Lettre ouverte à la profession au temps du coronavirus

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Nous nous tenons en bordure d’un précipice. Un gouffre abyssal dont on il est impossible de mesurer le fond. Nous sommes dans l’attente de l’imminence de la catastrophe. Mais la catastrophe n’est pas à venir, elle est déjà là et rien ni personne n’en arrêtera le cours. Elle est tout autour de nous. Elle nous pénètre en notre for intérieur. De partout. De manière virale et sanitaire, mais aussi psychologiquement, matériellement, économiquement, financièrement.

Dans le film Melancholia de Lars von Trier, une famille assiste à l’arrivée d’un astre qui rentrera en collision avec la terre. La beauté du film ne réside pas dans le spectacle de la catastrophe mais dans la façon dont nous réagissons émotionnellement face à son approche, à son inéluctabilité. Si nous sommes tous égaux devant une tragédie de cette ampleur, nous n’interagissons pas pour autant de la même façon avec sa survenance.

Avec le coronavirus, ce n’est pas l’infiniment grand qui menace la terre mais l’infiniment petit qui affole l’espèce humaine. Toute tentative de pronostiquer sur des chiffres ou des hypothèses dans ces pages m’apparaîtrait vaine et dérisoire. A vrai dire, au moment où j’écris ces lignes, le premier jour du printemps de l’année 2020, l’ascension des statistiques est tellement vertigineuse que le propos que nous tenons aujourd’hui sera peut-être inepte demain.

Pour l’heure, il me vient une idée que je voudrais vous livrer sous la forme d’un libre propos. Nous savons tous que les mesures de confinement et autres ne prendront pas fin à l’entame des vacances de Pâques, ni même à la fin de ces vacances, le 20 avril. Il est plus que probable que d’autres règles de restriction et de suspension impactant nombre d’activités économiques se maintiendront, peut-être jusqu’aux vacances d’été. Le flux des échanges des biens et des services se retrouvera inévitablement ralenti, voire paralysé. Si toutes les audiences sont remises après les vacances d’été, les conséquences vont être sévères, voire fatales, pour la profession d’avocat. Si tel est le cas, combien d’entre nous tiendront jusque-là ? Quel sera l’impact sur la survie de nos cabinets et sur le maintien de notre personnel ?

A elles seules, les mesures palliatives du gouvernement ne suffiront pas. Nous devons faire preuve d’imagination. A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Pour les semaines à venir, nous serons contraints d’accepter et de nous soumettre à une autre logique du temps. Rien ne nous interdit à notre tour d’influer sur sa course. Soyons créatifs et réactifs. Ma suggestion est simple : nous devrions supprimer les vacances judiciaires prévues cet été. A y réfléchir plus avant, cette proposition n’est ni fantaisiste, ni irréalisable. Elle pourrait s’articuler comme suite :

  • Position commune de l’OBFG et de l’O.V.B. pour porter la proposition au gouvernement et arguer de son bien-fondé ;
  • Vote par le gouvernement, dans le cadre des pouvoirs spéciaux dont il a été investi, d’une mesure législative supprimant exceptionnellement, pour les raisons liées au coronavirus, les vacances judiciaires pour l’année 2020 ;
  • Maintien et organisation des audiences du contentieux civil, travail, entreprise et pénal non urgent en juillet et août avec alternances pour les magistrats et le personnel des greffes pour leur permettre de prendre quand même des vacances ;
  • En cas d’insuffisance de magistrats disponibles, recours à des avocats et juges suppléants. Au besoin en désigner de nouveaux par arrêté. Au besoin assouplir les conditions d’accès ;
  • Dans l’hypothèse où il apparaîtra que les audiences restent suspendues pour mai (et éventuellement juin), et dans la mesure des disponibilités des agendas des chambres, refixation des affaires prioritairement en juillet et août.  

Cette proposition ne requiert pas de moyens matériels et financiers particuliers, pas plus qu’elle ne nous oblige à recourir à de l’appareillage électronique dont tous les avocats et greffes ne disposent pas nécessairement. Elle fait simplement appel à un changement, exceptionnel et temporaire, de nos habitudes de travail. Si elle se concrétisait, elle pourrait nous aider à limiter les dégâts sur notre profession. L’expression est sans doute mal choisie, inappropriée, je vous le concède, mais il faut que la machine continue à tourner. Il nous faut aller de l’avant et au-devant.

Cette idée rejoint celle émise par plusieurs économistes autorisés dont le Belge Geert Noels qui préconise de réduire, cette année, les vacances scolaires d’été d’un mois. Même si nous ne sommes pas en vacances, nous sommes déjà en vacance, au sens étymologique du terme. Remettons-nous en cause. Aidons-nous les uns les autres. Soyons imaginatifs. Soyons avocats.

Bonne quarantaine à tous.

Eric Therer

Je suis juge de paix d'un gros canton de Charleroi, si je suis en confinement vis - à- vis des justiciables , comme sans doute , nombre de mes collègues ,je ne le suis pas à l'égard de la masse des protections judiciaires notamment, avec ma collègue qui occupe les mêmes locaux, on est à la Justice de Paix tous les jours ; mai et juin seront sans doute consacrés à de longues audiences avec heures fixes , dans ce contexte, l'été sera le temps du repos ,
alors, ce que vous proposez , cela s'appelle une fausse bonne idée .

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