Le congrès – Retour sur les galères d’un organisateur

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Plus de deux mois après l’extinction des feux, la fièvre qui a enflammé le barreau de Liège-Huy au cours de l’année 2023 est retombée.

Le congrès de la CIB a en effet constitué un événement qui marquera l’histoire de notre barreau et qui, par son ampleur, ne se reproduira sans doute pas avant longtemps (en tout cas pas avant que je prenne ma pension, je l’espère…).

Trois chiffres illustrent la taille de la manifestation : près de 1000 participants, des représentants de 37 pays, un budget de près de 300.000 € (entièrement maîtrisé, et pas un kopeck issu de vos poches, si si),

C’est par le prisme très personnel d’un organisateur qui, quoique de bonne volonté, s’est vite retrouvé  dépassé, énervé, épuisé (Avé moi) que je vous propose de revenir en quelques lignes sur « LE » congrès.

Prémices

C’est avec un enthousiasme mesuré que je vis poindre ce barnum dont les proportions me semblaient démesurées à l’aune de nos moyens et compétences.

Certes, c’était une grande fierté pour l’Ordre de se voir confier l’organisation d’un congrès annuel international aux larges retombées et qui allait mettre au firmament notre beau barreau le temps de quelques jours, mais le poids n’était-il pas un peu trop élevé pour nos frêles épaules ?

Néanmoins, une équipe motivée et pleine de bonne volonté fut mise en place pour accueillir comme il se devait - et dans la plus pure tradition liégeoise - les courageux participants.

 

Des courageux

Le congrès annuel de la CIB jouit d’une renommée et d’un enthousiasme toujours renouvelés, principalement parmi les barreaux africains.

Il faut reconnaître l’opiniâtreté, la persévérance des confrères de certaines régions du monde, dans le but de rejoindre notre beau pays où les formalités administratives nécessaires aux voyages extra muros (si on ne va pas trop loin ni dans des pays exotiques comme la Grande-Bretagne) sont quasi nulles.

Ce n’est pas le cas partout.

C’est ainsi que nombre de confrères devaient obtenir un visa pour nous retrouver. Autant vous dire de suite que ce n’était pas gagné d’avance.

Petit florilège des cases à valider pour obtenir le précieux sésame :

  • Prouver l’inscription à l’événement et son paiement
  • Recevoir une invitation personnalisée en bonne et due forme de l’organisateur
  • Prouver la réservation d’un hôtel et son paiement
  • Faire preuve de ressources financières suffisantes
  • Justifier la raison du déplacement
  • Prendre rendez-vous plusieurs mois à l’avance
  • Se déplacer à l’ambassade ou au consulat

Ceci sans compter les frais inhérents à la manifestation, non couverts par l’inscription :

  • Frais d’hébergement et de nourriture
  • Frais de transport
  • Manque à gagner de 3 jours (au minimum).

Certes, venir en Belgique n’a pas de prix, mais quand même !

De fait, tous les candidats participants n’atteignirent pas leur but, loin s’en faut.

Inscriptions

L’inscription à une formation via notre beau site lgobox s’assimile désormais à une formalité pour les avocats de l’OBFG, mais ce n’est pas le cas pour des allochtones qui ne sont pas rompus aux commandes en ligne comme nous le sommes désormais.

Au-delà de la bonne volonté mise par nos services pour venir en aide aux égarés dans les méandres d’une inscription électronique, le président du congrès, Me Jean-François Henrotte, mit en place la solution qui paraissait la plus pratique pour l’accompagnement des candidats participants, quelle que fût leur préoccupation, un groupe « Whatsapp ».

Un support sur le fil de l’eau

Le succès est immédiat : plus de 1000 membres rejoignent le groupe en quelques jours et nous voici contraint de le dupliquer, pour permettre d’accueillir les nouveaux arrivants. Démarrage en fanfare !

Si le réseau social constitue de facto une réponse adéquate au souhait de communication instantanée, pour autant qu’il soit bien modéré, il souffre hélas des maux que ce type de médias engendre inévitablement : dérapages, répétitions inutiles, demandes hors de propos, règlements de compte, impatience, manque de réflexion,…

Les modérateurs durent faire preuve pendant plusieurs mois d’un flegme tout britannique (j’espère un retour en grâce auprès de sa Majesté), répondant à toute heure du jour et de la nuit aux nombreuses sollicitations.
Je rends grâce ici au Président du congrès, qui a assumé pour l’essentiel la modération des débats, avec une patience à toute épreuve.
 
Je ne résiste pas au plaisir de vous livrer ci-dessous quelques-uns des nombreux commentaires distillés sur la plate-forme. Voyez plutôt (NB : les propos vous sont relayés tels quels, sans correction d’aucune forme que ce soit) :

Les lyriques :

« Nous venons à une grande commémoration du rendez-vous de la confraternité et je pense que cela doit être pris en compte depuis nos petits villages pour être galvanisés à venri vivre ce grand moment. »

Les presque pensionnés :

« Juste savoir le 35 ans [pour obtenir la réduction de prix, NDR.] est liés à l’âge professionnel ou l’âge physique ? »

Les impatients :

« J’ai payé par carte depuis 11H30 mais je n’ai pas encore reçu mon invitation, il en est de même de mon confrère du cabinet K., qui lui avait payé hier mais n’a pas non plus reçu la sienne. Quid ? »

Les reconnaissants :

« Bonjour honorés, distingués et estimés confrères ! Très content et ravi de vous joindre dans le précieux groupe. Je m’appelle Me J.B.M. »

« Chapeau-bas aux organisateurs ! »

Les égarés (rappelons que le congrès rassemble des avocats francophones) :

« Dear colleague, first welcome in this chat dedicated to CIB Liège Congress.
Second : organisers and some of us have been responding to so many questions related to visas, bank account, transfer, etc…. »

Le parano, à l’avatar prédestiné de « Demain ça ira ! », qui met l’existence même du congrès en péril :

« Je vous propose de créer un groupe parallèle. Au cas où celui-ci disparaîtrait. »

« Aujourd’hui l’escroquerie peut sévir de mille et une façon usant des techniques et technologies innocentes, […] j’ai aucune nouvelle de la plate-forme. La confiance n’exclut pas le contrôle ou la vérification. »

« Peut-on avoir une adresse mail ou postal soit téléphone officiel afin de procéder à la vérification ? »

« En outre, la grande difficulté est que le secrétariat de l’Ordre ne répond pas aux mails et cela ne pet que susciter des interrogations »

« Plus grave le site de ce congrès a été créé à l’aide d’un outil de création de site gratuit qu’on trouve sur Internet. Odoo. »

Note du rédacteur : Merci pour cette publicité gratuite pour un fleuron de notre économie. En outre, gratuit, c’est un grand mot…

Demain ça ira poursuit : « ça serait trop ridicule de voir que les femmes et les hommes de droit se font arnaquer aussi facilement. […] Faites ne serait-ce que 250 euros en moyen x 1000. 250.000 euros de bénéfice pour l’escroc. »

« Demain un confrère il ira au siège du barreau de Liège pour en avoir la clarté. Pour l’instant nous demandons à toute personne de suspendre toute procédure de paiement jusqu’à demain midi heure de Bruxelles »

« Si je ne reviens pas avec une réponse sur ce forum d’ici demain midi, comprenez que j’étais banni pour ne pas révéler une quelconque vérité. »

Note du rédacteur : Aaargh, nous sommes démasqués ! Je reçois en effet un appel téléphonique surréaliste de notre justicier. Heureusement, après avoir montré patte blanche, tout finit bien :

« Bonjours chers tous. Comme convenu hier, après vérification au près du siège du barreau de Liège le site est belle et bien réel. Et la procédure authentique. Merci de bien vouloir continuer la procédure. »

Ouf…

Autre parano

« Je pense qu’on a les infiltrés sur le groupe. Vous m’excuserez d’utiliser le terme… »

Les frileux

« Je ne pense pas que je serai avec vous.
Je crains le froid d’hiver. »

Le jour J :

Après ces quelques péripéties, enfin le grand jour arriva.

Dans un écrin digne de l’événement, à l’heure dite, nous étions prêts à accueillir la déferlante, avec cinq stands d’accueil, dix hôtesses, un bureau des cas spéciaux et/ou problématiques (que je m’étais réservé… ;-), des gardes, des panneaux indicatifs,…

Pas loin de 1000 participants sont attendus, dès 8H30, ce mercredi 29 novembre 2023, qui allait marquer d’une pierre blanche l’histoire du barreau de Liège-Huy.

Nous attendons et nous voyons…

Certes, des participants arrivent, petit à petit, mais c’est loin d’être la cohue attendue.

Après analyse, force fut de constater que le déploiement de toutes nos ressources n’était peut-être pas nécessaire à ce moment-là.
La ponctualité des participants resta très aléatoire tout au long de l’événement.

De toute évidence, la participation à un congrès ne se conçoit pas comme une séance de cinéma - où il convient d’être à l’heure pour le début du film, sinon on ne comprend rien.

Nous avons en effet découvert de nouveaux arrivants à toutes les heures des 3 jours de manifestations et ce, jusqu’à la dernière minute, alors que je fermais enfin notre stand et vis survenir un avocat décontracté : « Bonjour, je viens participer au congrès, ça se passe comment ? ».
Je vous demande pardon ?

Une balade en petit comité

Un congrès d’un certain niveau ne se conçoit pas sans plusieurs activités annexes, permettant aux congressistes et à leurs accompagnants de se détendre ou d’apprivoiser la culture locale.

Notre événement ne dérogeait pas à la règle et trois excursions étaient prévues, le samedi 2 décembre, pour enchaîner, avec légèreté, après trois jours de programme académique de haute tenue.

Le choix était offert de découvrir l’une parmi trois de nos plus belles villes : Bruxelles, Bruges et Liège.
Partout, nous avions concocté un programme alléchant, pour les yeux et les estomacs.

Près de 250 inscriptions avaient été enregistrées.

En ce qui me concerne, je m’étais proposé pour accompagner le groupe liégeois, qui devait être composé d’une petite cinquantaine de participants.

A l’heure dite, 8 h 45, et au lieu du rassemblement, le hall de l’hôtel, je me présente donc pour y retrouver nos GE (Gentils Excursionnistes).

Nos quatre guides sont déjà présents, pleins de motivations pour faire découvrir, par un petit parcours dans nos plus belles rues, les spécialités locales.
Nous attendons…

A 9 h, cinq personnes nous ont rejoints.

A 9 h 15, je supplie un visiteur de l’hôtel de nous accompagner.

A 9 h 20, je renvoie trois guides et annule un des deux restaurants pour midi, prévenant l’autre que nous serions finalement (nettement) moins que prévu.

A 9 h 30, nous partons en balade…

Celle-ci se déroule agréablement, sous un beau soleil, avec des personnes charmantes et je profite largement des zakouskis gourmands prévus pour nos hôtes : boudin blanc, pékèt, gaufres de Liège et autres bières locales.

Finalement, ce congrès ne se termine pas si mal !

En conclusion

Les quelques anecdotes révélées ci-dessus pourraient laisser penser que l’expérience fut amère et qu’elle n’a engendré que stress, fatigue, découragement ou au mieux incompréhension.
Il n’en fut rien.

J’ai découvert des personnes charmantes, généralement de bonne humeur, et des réalités qui m’étaient totalement inconnues.

J’ai entendu des histoires drôles, passionnantes ou émouvantes.

J’ai pu apprécier notre capacité à organiser un événement de grande ampleur, notre réputation d’accueil jamais démentie et les ressources des membres de notre barreau, qu’ils soient avocats ou membres du personnel de l’Ordre.

J’ai travaillé pendant plusieurs mois avec une équipe formidable et c’est réjouissant de constater que nous pouvons compter sur tant de personnes désintéressées.

L’expérience en valait la peine.

Bon, ne me parlez plus de congrès pendant cinq ou dix ans, mais après, qui sait…

Eric FRANSSEN
Directeur de l’Ordre

 

 

 

 

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