Question(s) de genres

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Je ne suis pas plus convaincu que ne l’est Xavier Darcos (Drôle de genre – Bloc-notes du mois de septembre 2021 de l’Académie française) du fait que la prédominance du masculin résulterait d’une intention des classes dirigeantes, majoritairement masculines. Comme il l’explique mieux que moi, on oublie souvent que le genre des mots ne résulte que d’une pratique totalement incohérente, voire aléatoire. Ce n’est pas une main supposément virile qui a décidé du genre du gâteau ou de la tarte, pour reprendre son exemple plaisant. Sans doute suis-je un peu las du rabâché patriarcat, à l’haleine militante et à l’effet clivant, une nouvelle fois, discorde dont la langue n’a que faire pour s’amender.

Finalement, ne pourrait-on pas, simplement, dire un/une auteur ?

Il existe déjà des mots féminins en – eur : ampleur, grandeur, raideur, laideur, rougeur, noirceur, etc., – qui viennent d’un adjectif et désignent la qualité associée –, ou encore humeur et rumeur, candeur, fureur, pudeur, langueur, rancœur, etc. – qui viennent de mots latins se terminant par or.

Une auteur ne devrait donc pas choquer l’oreille, pas plus qu’une professeur.

L’institutrice s’est certes imposée depuis longtemps – tout comme l’actrice, la directrice ou l’inspectrice –, mais la création du mot autrice me convainc peu et, même si heure et demeure s’écrivent avec un e (je n’en ai pas trouvé d’autres), le sobre emploi du déterminant au féminin (la, une, cette …) me paraît suffisant et, en définitive, plus égalitaire que l’ajout d’un e final au substantif lui-même.

Est-il vraiment indispensable de fabriquer de nouveaux mots chacun à sa sauce ? Auteure, autrice, et pourquoi pas auteuse ou autoresse ? Le rapport du 28 février 2019 sur la féminisation des noms de métiers et de fonctions en parle en ces termes : « (…) “autrice” [est] employé du XVIe au XIXe siècle, où il est supplanté par « autoresse », dont l’emploi n’est pas parvenu à s’enraciner … ».

Une professeuse ou une professoresse ont déjà été admis par le passé (v. cnrtl.fr), mais ils n’ont pas mieux pris racine. Le rapport précité dit en page 8 : « “La professeur” (l’apocope familière “la prof” est très ancienne) présente un caractère quelque peu restrictif, même s’il n’y a pas lieu de s’interdire cette possibilité offerte par la langue ». J’en conclus que cette possibilité est bel et bien offerte par la langue, mais de quel caractère quelque peu restrictif est-il question ? S’agirait-il d’une formule permettant de ne pas poursuivre la réflexion en ce sens ?

Pour le terme avocate, je ne partage pas les réflexions et constats du susdit rapport de la vieille dame du quai Conti sur le fait que la profession elle-même serait rétive à l’employer, d’autant que la 8e édition de son dictionnaire (1935 !) disait déjà du substantif Avocat : « Il s'emploie aussi au féminin, Avocate. On compte maintenant d'assez nombreuses avocates au Palais ».

Je ne reviendrai pas sur le sempiternel mot cafetière, mais il me paraît qu’une médecin ne pose pas de problème, contrairement à une médecine, et je serais curieux de voir la tête d’une Major qu’une sentinelle saluerait comme Majorette.

Ainsi, je (me) pose la question : ne serait-il pas plus simple de déclarer dorénavant épicènes – ou possiblement épicènes, pour laisser à la langue la liberté dont elle a, comme nous, fichtrement besoin – ces substantifs usuels, comme le sont déjà enfant, élève, adulte, architecte, ministre, pilote, fonctionnaire ou encore … juriste ?

Jari LAMBERT

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