Notre planète a la fièvre

Bâtonnier

Anthisnes, dimanche 15 octobre 11h56.
Mon seul souhait en entamant cet édito, est de vous parler avec mon cœur, d’une traite, sans relecture, ni fioritures.

Ainsi que j’ai pu l’exprimer aux 65 stagiaires ayant prêté serment ce 22 septembre, une telle approche implique que l’on parle plus juste et plus vrai et induit toujours de la sincérité.

Et de mon point de vue, un peu de sincérité dans notre monde d’hypocrites m’apparait nécessaire et ce d’autant plus que nous sommes en train de nous déchirer de toutes parts et à tous niveaux.

Première illustration : la guerre en Ukraine que je ne ferai que citer, non pas parce qu’elle commence à faire partie de notre quotidien et que de facto l’on s’y « habitue », mais parce que de nombreuses personnes bien plus compétentes et informées que moi la commentent à longueur de temps.

Ne perdons cependant pas de vue les malheurs incommensurables que cela entraîne pour des milliers d’innocents.

Et que dire de la guerre en Israël et des récents événements qui viennent de se dérouler.

Ils me laissent sans voix.

Je ne me risquerai pas à une analyse politique approfondie de ce sujet ô combien sensible et délicat pour les mêmes raisons que celles évoquées ci-avant à propos de la guerre en Ukraine.

Je me permettrai juste un commentaire : aucune cause aussi louable soit-elle et si tant est qu’elle l’est ne pourra jamais justifier la mort de milliers d’innocents.

Même dans notre pays, le conflit et l’opposition semblent devenir le mode majoritaire de communication.

Un seul exemple tout chaud à cet égard : le Conseil Supérieur de la Justice, chargé de désigner le nouveau procureur général de Bruxelles, ne présentera aucun des candidats francophones qui ont postulé cette fonction.

Ce ne sont en aucun cas les qualités de ces candidats qui motivent cette décision, mais uniquement leur appartenance linguistique…

Pour rappel, le Conseil Supérieur de la Justice a été créé afin de garantir le bon fonctionnement de la Justice et l'indépendance de la magistrature. En matière de nomination, sa mission est claire : présenter sur chacune des places qui lui sont soumises le meilleur des candidats, à condition qu’il présente les qualités minimales pour exercer la fonction envisagée.

Dans le cas qui nous occupe, le constat d’impossibilité de désigner un candidat est motivé par des raisons uniquement politiques et linguistiques, ce qui sort clairement du champ des compétences du Conseil Supérieur de la Justice.
Il ne fait pas de doute que cette situation de blocage inédite servira ceux qui souhaitent la défédéralisation de la justice et qui œuvrent en coulisse à cette fin.

Même au sein de notre Barreau, le conflit va grandissant.

Mon excellent vice-bâtonnier me disait ainsi récemment : « Laurent, notre Barreau a la fièvre ! ».

Outre que cela vous permet de comprendre d’où vient mon titre, il a mille fois raison et cela commence à m’inquiéter, même si cela doit bien évidemment être relativisé par rapport aux événements abordés en début du présent édito…

Nous sommes en effet presque journalièrement confrontés à des conflits entre associés ou entre avocats qui en deviennent presque sanglants tant ils nous paraissent parfois d’une violence extrême non seulement en paroles, mais parfois même dans certains actes…

Même si nous ne déplorons pas encore l’usage de mines antipersonnel ou de roquettes, nous avons plus souvent l’impression d’être devenus des démineurs que des bâtonniers dédicacés à la sauvegarde et à la promotion de notre profession.

Le seul début d’explication que je puis fournir à cet égard est que nous avons perdu l’habitude de parvenir à vivre avec l’autre.

J’ai le sentiment que les diverses crises que nous traversons nous ont rendu « asociaux », incapables de gérer adéquatement le contact humain.

Une prise de conscience urgente me semble dès lors indispensable et même vitale.

Un changement d’approche et de paradigme s’impose : il en va presque de notre survie, que ce soit au sens strict pour certains ou au sens figuré pour nous, avocats.

Réapprenons à dialoguer, écoutons-nous, respectons-nous, acceptons-nous tels que nous sommes malgré nos différences.

La diversité pleinement acceptée et respectée sera toujours un enrichissement.

Je vous lance, en quelque sorte, un cri du cœur que je pourrais résumer en reprenant tel quel celui lancé par Florence FORESTI à l’issue de son spectacle de ce samedi 14 octobre à Forest National :

« Bordel un peu de LOVE dans ce monde d’enculés ; euh pardon, on peut plus dire ça, dans ce monde de fils de pute !! »

Nous sommes en effet sur la même planète, que ce soit la planète terre, la planète Belgique ou la planète Barreau.
En ce qui me concerne, entre la guerre, l’opposition et l’agression d’une part, et la paix, le dialogue et le respect mutuel d’autre part, mon choix est vite fait….

Anthisnes, le 15 octobre 12h26, tapé d’une traite sans fioritures et, en fin de compte, avec une relecture parce que sinon il y aurait vraiment eu trop de coquilles 😊

Très confraternellement,

Laurent WINKIN

Monsieur le Bâtonnier,
Chef,

Je confirme qu’il ne reste ci-dessus ‘que’ quelques coquilles (‘private joke’) et me tiens à votre disposition si d’aventure vous manquiez d’éléments concrets pour morigéner vos correcteurs (en adoptant le mode d’expression de Florence Foresti, j’aurais pu écrire “leur mettre le nez dans leur caca”, mais je m’adresse à mon bâtonnier, quand même…).
Sur le fond, je partage PLEINEMENT votre agacement pour les tensions permanentes, les injonctions binaires et les prises de bec incessantes : “Cool, les gars !” (expression impossible à féminiser).
Cela dit, je partage aussi vos inquiétudes au sujet du Conseil supérieur de la justice : ne vient-il pas, par surcroît, de s’introniser “enquêteur” pour “l’erreur monumentale” d’un ‘parquetier’ alors qu’il (le CSJ) a lui-même joué un (mauvais) rôle dans le défaut de nomination de magistrats au parquet ?! Se chercherait-il un fusible ? Un petit arbrisseau pour cacher la forêt ?
On pourrait ajouter, mais ce serait sans doute trop ‘politique’ (et ce n’est au surplus, évidemment, que mon avis d’ignorant), que le substitut (le lampiste ?) n’aurait de toute façon pas ordonné l’extradition de quiconque vers un pays où se pratique encore la peine de mort, a priori, et qu’au demeurant, le ministre du pipigate a démissionné surtout parce qu’il s’était pris les pieds dans le tapis en brayant (du verbe braire), deux jours plus tôt, que les pays d’origine “refusaient trop souvent qu’on leur renvoie leurs ressortissants” ! La Tunisie l’a mouché : flagrant délit d'accusation bidon teintée de condescendance (“Vous savez, ces gens-là...”). Vite fait bien fait, en détournant les projecteurs vers un fonctionnaire de son administration, le cacique a pu enfiler la parure chevaleresque du “ministre responsable qui assume” la faute “inexcusable” … d’un autre : démission vertueuse/virginité retrouvée.
Comme le disait tout récemment je ne sais plus quel grand sage : “Un peu de sincérité dans notre monde d’hypocrites m’apparaît nécessaire” …
Enfin, pour en revenir à votre intervention ci-dessus : une prochaine fois, tant qu’à faire de nous appâter avec des “conflits presque sanglants” entre avocats, nous donneriez-vous des noms ? Ce ne serait sans doute pas seyant mais ce serait tout de même beaucoup plus amusant…
Confraternellement et amicalement,
Jari.

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