L’avocat et l’audition de police « Salduz » : la vision du policier

Interview

(Interview de PPJ Pairet par E. KIEHL)

EK : Avant toute chose, je souhaite te présenter à nos lecteurs. Quelle est ta situation professionnelle ? Que fais-tu dans la vie ? 

PPJP : Je suis policier… Donc je ne fais rien ? (Rires).

EK : Et où le fais-tu ?

PPJP : A Bruxelles.

EK : Dans ta pratique, j’imagine que tu es souvent confronté à des avocats ? 

PPJP : Oui tout à fait. Dans le cadre des auditions « Salduz » essentiellement.

EK :  Quelle est ta vision des avocats ? Leur intervention représente-t-elle une réelle plus-value ?

PPJP :  Cela dépend des dossiers. 

Nous sommes parfois contents que les avocats soient là et, parfois, c’est l’inverse.

Dans certains cas, vu la nature des faits, nous savons tous qu’il y aura automatiquement relaxe après audition. Dans ces circonstances, il n’est pas facile « d’entendre » un avocat conseiller à quelqu’un de se taire.

De même, dans de gros dossiers, nous sommes parfois contents de pouvoir mettre la pression sur les suspects entendus. Et s’il est normal qu’un conseil sollicite une interruption pour faire retomber la pression, ce n’est pas évident à vivre de notre côté. Il faut dire que les avocats qui font bien leur travail rendent le nôtre plus difficile !

Inversement, je vois aussi des avocats qui conseillent à leur client de dire la vérité pour ne pas creuser leur tombe. 

Cela dépend donc vraiment du dossier. Mais globalement, ça se passe bien.

Ceci étant, il y a quelques casse-c… Voulez-vous des noms ? (Rires).

EK : Quels sont les trucs qui énervent en audition ?

PPJP :  Le coté trop « intervenant » de certains conseils, qui savent pourtant très bien qu’il ne s’agit pas de leur rôle. Mais cela reste rare, heureusement. 

A l’inverse, je constate que certains de tes confrères sont prêts à s’endormir … 
Il y a en a aussi qui partent… Et je me demande souvent : est-ce que c’est un piège pour nous ? Veut-il créer un vice de procédure ?

La personne veut en effet être défendue et ce type d’attitude laisse tous les intervenants assez démunis. 

Heureusement tout cela reste rare et, je le répète, généralement tout se passe bien. 

L’une des principales problématiques concerne les délais d’attente. 

Par exemple, en cas d’audition d’un mineur, la présence de l’avocat est obligatoire. Nous devons parfois attendre plusieurs heures pour que la personne désignée par la permanence de désiste ensuite sans explication. Dans ce genre de cas, on s’énerve forcément.

Cela dit, j’ai un exemple en tête où le second volontaire a fait en sorte de rattraper la sauce ; il est arrivé après 30 minutes. Je lui en ai vraiment été reconnaissant. 

Les délais devraient être améliorés, pour le bien de tous. Certains « clients habitués » m’ont d’ailleurs déjà dit ne pas vouloir de conseil pour que cela aille plus vite. Deux heures d’attente, c’est beaucoup. 

EK : Dans le journal « LA MEUSE » du 9 septembre 2022, Christian Beaupère dressait un bilan amer après 46 ans passés à la police liégeoise. A le suivre, les policiers ne sont plus assez respectés et les relations entre les habitants et la police sont de moins en moins « bon enfant ». Il regrette le temps où les services de police connaissaient bien tous les commerçants, les prostituées, les petits caïds, …

PPJP :  Je n’étais pas né il y a 46 ans mais j’avoue que, par rapport à mes débuts, je suis content d’être moins présent sur le terrain. 

J’ai l’impression qu’on ne peut plus rien dire ; tout devient dramatique. 

Même demander une carte d’identité devient problématique. Les jeunes de 15 ans nous répondent et nous rient au nez. Il n’y a plus de respect pour nous en ce qui concerne la clientèle « régulière » … Et les citoyens qui ont du respect, on les voit malheureusement moins.

EK : L’environnement est-il une problématique prise en compte dans la police ?

PPJP : (rires) Heu … Pour moi oui, à titre personnel, mais cela n’a pas de lien avec mon métier. Personne n’en parle à notre niveau. Nous avons bien reçu des gourdes mais il y a toujours des gobelets près de la fontaine à eau. 

Enfin, c’est déjà ça !

EK : Et le féminisme ? 

PPJP :  A l’heure actuelle oui. 

Cela se traduit par plein de choses.

Ceci étant et même si je n’oserais pas affirmer que mes collèges ne sont pas physiquement l’équivalent d’un homme, je constate que, sur le terrain, l’un et l’autre ne sont pas totalement équivalents. Il faut pouvoir le dire.

A titre d’exemple, certains hésiteront plus à tabasser une femme (pas tous) et d’autres seront plus facile à neutraliser par un homme fort.

EK : Conseillerais-tu à ton enfant de devenir policier ou avocat ? 

PPJP :  Avocat, sans aucun doute. 

On revient sur la question de tout à l’heure. Le respect des gens se dégrade. 

EK : Pour le plaisir, pourrais-tu me raconter un de tes souvenirs d’intervention les plus drôles ? 

PPJP :  Il y a en a trop !

Si je devais choisir un souvenir, je dirais un fou-rire mémorable chez une dame. Elle nous avait appelé pour une tentative de kidnapping de son enfant. 

Une fois sur place, elle nous a indiqué – de manière tout à fait crédible et normale - que la tentative émanait de sa voisine.

Nous nous préparions à sortir interroger ladite voisine lorsque la plaignante nous a indiqué que, concrètement, elle avait en réalité procédé en passant les bras à travers le mur mitoyen, vers le canapé, et en lui envoyant en même temps des seaux d’eau.

Je n’ai même pas la fin de l’histoire, je suis sorti rire dans le couloir … 

EK : Dernière question, si l’avocat était une chanson, laquelle serait-ce ?

PPJP :  (rires) Merci pour la question !

Par provocation : Joe Dassin, « siffler sur la colline ».

Je ne vise évidemment que certains. En réalité, les difficultés résultent plus du manque de moyen de la permanence Salduz et des retards que cela implique parfois.

Mais en conclusion, si l’avocat était un fruit … cela serait un avocat pour sûr !

Elisabeth Kiehl

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