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Des corps marqués : télétravail & santé
Vous ressentez des douleurs à la nuque ? au dos ou encore aux poignets ? Vous avez pris du poids ?
Ne vous étonnez pas ! Au-delà de nos esprits chamboulés, ce sont aussi nos corps que la crise sanitaire aura soumis à rude épreuve. Des corps marqués par la sédentarité et l’absence d’activité physique, des corps esseulés, des corps endoloris de rester aussi longtemps et inconfortablement assis.
En ce printemps 2021, la Ligue cardiologique belge lançait à nouveau sa campagne « Please Stand Up and Move », indiquant que « la sédentarité intrinsèque au confinement et au télétravail a des conséquences graves sur la santé cardiovasculaire »[1]. Ce sont, d’après l’OMS, 3,2 millions de décès chaque année qui sont comptabilisés en raison d’un manque d’exercice. Des chiffres effrayants.
Alors qu’elle est pourtant « bénéfique pour la santé du cœur, du corps et de l’esprit », l’activité physique semble définitivement avoir été laissée pour compte par certain-e-s d’entre nous tandis qu’elle est devenue l’activité exutoire de ces mois de confinement pour d’autres.
Que font d’ailleurs les avocat-e-s pour leur bien-être au travail ? Non visés par la règlementation relative à la prévention et la protection au travail, ce n’est finalement que par son bon vouloir que l’avocat-e prendra soin ou non de son corps et de son environnement de travail et limitera les risques professionnels.
Le présent article a plus globalement pour objectif de nous faire prendre conscience à toutes et tous, personnel de l’Ordre, greffier-e-s, secrétaires, avocat-e-s, magistrat-e-s, de la nécessité de briser la sédentarité et pratiquer une activité physique mais aussi de livrer quelques « trucs & astuces » pour une meilleure qualité de vie au travail en ces temps définitivement troublés.
Nous avons, pour ce faire, interrogé Gabriel Weemaels, coach sportif et formateur « bien-être en entreprise » (protection du dos et sédentarité).
AA : Bonjour, Gabriel. Dans un souci de limitation de la propagation du coronavirus et bien qu’exerçant une profession essentielle, bon nombre d’avocat-e-s ont pris le chemin de la maison pour y entasser leurs dossiers et télétravailler. Quels constats faites-vous dans votre pratique par rapport à ce nouveau « mode de travailler » ?
GW : Je constate au quotidien que les gens bougent moins. Ils sont « un peu plus rouillés », ont moins de mobilité et semblent aussi avoir plus de mal à bouger. Des tensions musculaires, voire même des douleurs dorsales importantes – souvent dues à un poste de travail qui n’est pas adapté -, peuvent aussi apparaître.
De manière générale, l’être humain n’est pas fait pour rester assis la majorité de sa journée et encore moins, lorsque l’on est sur un ordinateur portable depuis son canapé ou sur une chaise à la maison et sur laquelle habituellement on passe 1h00 à 1h30 maximum.
Le confort n’est par conséquent pas du tout le même. Je remarque donc que, plus que jamais, les gens ont besoin d’activité physique.
AA : L’OMS identifie la sédentarité comme « un problème de santé publique mondial » tandis qu’elle dresse une série de lignes directrices et recommandations[2] relatives à l’activité physique nécessaire pour maintenir une bonne santé. Pourriez-vous nous préciser ce que recouvrent les concepts d’activité physique et de sédentarité ?
GW : L’activité physique est considérée par l’OMS comme étant toute activité de la vie quotidienne qui fait dépenser plus d’énergie que la position de repos. L’activité physique n’est donc pas que du sport, c’est aussi jardiner, promener le chien, faire le ménage, monter et descendre les escaliers, ranger ses courses, nettoyer sa voiture. Pour ces dernières activités – dites faibles – l’OMS préconise 5 x 30 minutes par semaine minimum pour être en bonne santé. Ce principe est général et reste, cela étant, d’une validité contestable. Ce qu’il ne faut surtout pas perdre de vue, c’est que l’activité sportive, au même titre par exemple que le brossage dent, relève de l’hygiène et qu’il est important d’apporter au corps du mouvement mais de manière régulière. Il reste donc plus intéressant de faire de l’exercice un peu tous les jours que de faire du vtt ou du running pendant deux heures le week-end pour ne plus rien faire pendant 6 jours.
La sédentarité est, quant à elle, liée à la position assise. Une personne sédentaire passe la majorité de ses heures d’éveil assise ou couchée. On peut donc très bien être à la fois sédentaire et actif physiquement. Au titre d’illustration, on peut être assis à son bureau 8h00 par jour et faire une heure de running tous les soirs, on sera quand même considéré comme sédentaire et on en subira les conséquences de la même manière. La sédentarité va diminuer l’action notamment de l’insuline et augmenter le glucose sanguin, situation qui va favoriser la prise de poids, l’apparition du diabète et l’hypertension. A partir de 6h00 par jour en position assise, on s’expose à ces risques malgré le sport que l’on peut pratiquer après journée. En d’autres termes, le fait d’être assis au bureau constitue un risque professionnel pour la santé. Ce risque n’est pas forcément visible mais il est important d’en prendre conscience.
AA : S’il fallait retenir quelques « trucs et astuces » liés à l’activité physique, que nous conseilleriez-vous ?
GW : Je dirais tout d’abord de choisir une activité en fonction du plaisir que l’on y trouve et de manière à l’inscrire dans la régularité !
Il vous est par ailleurs loisible de compter le nombre de minutes d’activité physique que vous consacrez par jour. A cet égard, l’OMS précise qu’à partir de 10 minutes d’activité en continu, même de manière modérée (comme par exemple rentrer à vélo ou marcher pour aller chercher un transport en commun), on peut déjà considérer qu’il s’agit d’un bénéfice et celui-ci peut être comptabilisé.
Si vous éprouvez des difficultés à « vous y mettre », les coach-e-s sportifs sont là pour ça. Il y a lieu de préciser qu’à la base de leur clientèle, ce sont souvent des personnes qui ont justement du mal à se motiver et qui trouvent 1001 barrières et excuses au fait de ne pas bouger. Et faut-il le dire, nombreuses sont ces excuses et barrières. En termes de motivation, le fait de prendre rendez-vous, d’être accompagné-e, par un-e professionnel-le, d’avoir des attentes respectives aide à se mettre en mouvement.
AA : Quant aux « trucs et astuces » pour briser la sédentarité ? Avez-vous des pistes simples à nous proposer ?
La sédentarité étant, pour rappel, liée à la position assise, le principe général pour rompre celle-ci est simple : c’est se lever ! C’est briser la position assise par la position debout. Pour cela, on dit généralement qu’il faut 2 minutes debout par heure passée assise et 5 minutes pour 2 heures passées assises. Plus vous serez active et actif pendant ces 2 ou 5 minutes, plus cela sera bénéfique pour contrer la sédentarité.
Qu’il s’agisse d’étirements, de mobilisation articulaire, de quelques pas pour aller discuter avec un collègue ou se rendre à la machine à café ou à la fontaine à eau, de descendre et monter d’un étage, le fait d’avoir une pause active va maximiser celle-ci. Si on est dans le même bâtiment, en lieu et place d’envoyer un mail à un collègue, se rendre dans son bureau. Ou encore déplacer des éléments de bureautique qu’on utilise peu souvent. Je prends souvent l’exemple de la corbeille à papier que l’on met de l’autre côté du bureau de manière à ce que 2, 3 ou 4 fois sur la journée, on doive se lever, marcher et revenir s’assoir.
Un conseil qui marche également plutôt bien : prendre ses appels en se levant, voire en marchant. C’est une pratique qui devient vite automatique et qui est bénéfique dès lors qu’on reçoit généralement beaucoup d’appels sur une journée. Faire des réunions debout est aussi intéressant et permet d’ailleurs d’être plus efficace et va plus vite qu’une réunion assise. Dans le même ordre d’idées, faire des réunions sous forme de marche et en petit comité peut être tout aussi intéressant.
AA : Vous indiquiez, en début d’interview, que les tensions musculaires ou les douleurs ressenties surviennent souvent en raison d’un poste de travail qui n’est pas adapté. A cet égard, avez-vous des recommandations particulières à nous donner ?
GW : Concernant l’adaptation du poste de travail et concrètement, il faut que le bord supérieur de l’écran d’ordinateur soit à hauteur des yeux. Découle de ce principe le fait que travailler sur un ordinateur portable toute la journée n’est pas fait pour cela. Comme son nom l’indique, c’est un ordinateur qui est « emporté », utilisé de manière moins fréquente qu’un poste fixe. Cela veut aussi dire que si cet écran doit être à hauteur des yeux, le pad de la souris et du clavier ne sont donc plus utilisables. Ce qu’il est donc nécessaire de faire est de surélever la machine et d’utiliser un clavier et une souris indépendants que l’on branche sur le portable, soit des périphériques extérieurs qui vont pouvoir nous permettre de mettre cet écran à la bonne hauteur et de placer le bras correctement sur le plan de travail, tout autant que le clavier et la souris.
Au niveau de l’assise : il y a deux choses importantes : la première, c’est bien avoir le dos en contact avec un dossier ; un petit renfort lombaire pouvant être intéressant mais ne convient pas à tout le monde. La deuxième, les 2/3 de la cuisse doivent par ailleurs être en contact avec l’assise. Il ne faut donc pas s’assoir sur une demi-chaise ou une chaise dont l’assise serait trop courte. Enfin, le coude doit être fléchi à 90° ; le plan de travail devant être sous le coude pour que l’avant-bras soit parallèle au sol, en contact avec ce plan de travail.
« Restons #enmouvement », un message de la Fédération des Maisons médicales !
Pour découvrir la campagne « Please stand up and move », voyez https:// www.liguecardioliga.be/please-stand-up-and-move-2021-fr/. Dans le même sens, pour consulter l’article de presse, voyez https://plus.lesoir.be/365970/ article/2021-04-12/le-confinement-amplifie-les-mefaits-de-la-sedentarite
Interview réalisée par Amélie Adam
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[2] https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/physical-activity
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