Interview de Monsieur le Bâtonnier de Division Bernard De Boyer

Interview

Julien BONAVENTURE : Monsieur le Bâtonnier de division, avant d’aller plus avant, pourriez-vous vous décrire pour les lecteurs qui ne vous connaîtraient pas encore ?

Bernard DE BOYER : Après avoir réussi mes candidatures en droit à la faculté de droit de Namur et mes licences à Louvain, j’ai eu la chance de prêter serment en 1989.

Initialement, je me destinais à faire le notariat, mais le hasard a fait que j’ai rencontré un avocat qui m’a convaincu de me lancer dans la profession.

J’ai été le stagiaire du Bâtonnier DEHIN, qui m’a particulièrement bien bien suivi dans le cadre de mon stage.  Plus tard, je suis devenu son collaborateur avant que nous ne devenions associés au sein du cabinet Proelium.

En ce qui concerne mes matières de prédilection, j’ai une attirance particulière pour le roulage, les intérêts civils et la réparation du préjudice corporel. En fait, ces matières étaient à la base la spécialité de ma patronne de stage.

Début 2000, j’ai été président du Bureau d’Aide Juridique. J’ai vu passer les grandes réformes de l’aide juridique.

A deux reprises, j’ai eu la chance d’avoir été élu au sein du Conseil de l’Ordre avant d’occuper mes fonctions actuelles.

Je siège également en qualité de juge suppléant au Tribunal de Police de Huy.

 

JB : Est-ce que cette fonction aide à votre pratique quotidienne ?

BDB : L’avantage de devenir juge suppléant permet, outre de voir l’envers du décor, de voir ce qu’il ne faut pas faire lorsque l’on est à la barre. 

Cette fonction permet de prendre parfois un peu de recul par rapport aux dossiers. Juger n’est pas chose aisée, surtout au pénal. Les sanctions applicables peuvent être lourdes et condamner requiert beaucoup de réflexion. Surtout, lorsque les peines sont sans cesses alourdies en matière de roulage.

 

JB : Pourriez-vous préciser la fonction du Bâtonnier de Division par rapport aux fonctions du Bâtonnier de l’Ordre unifié ?

BDB : Il est vrai qu’on se rend compte qu’au quotidien les confrères ne savent pas toujours vers qui se tourner.

Avant toute chose, le Bâtonnier de Division s’occupe de tout ce qui est plus local.

Le Bâtonnier de l’Ordre unifié représente le Barreau à l’extérieur (Avocat.be, à l’international,…). Il est l’image du Barreau à l’extérieur tandis que le Bâtonnier de Division est plus proche des avocats et des avocats de sa division. Il essaye de régler les difficultés du quotidien.

Les Bâtonniers de Division constituent avec le Bâtonnier de l’Ordre unifié ce qu’on appelle le comité de direction. Il s’agit de l’antichambre du Conseil de l’Ordre où nous évoquons les éventuelles difficultés. Actuellement, notre principal travail est de coordonner le fonctionnement de deux entités qui vivaient séparément jusqu’au rapprochement et ce n’est pas une chose toujours facile.

Le Bâtonnier de Division est également chargé de la déontologie quotidienne. Il peut intervenir dans le cadre de difficultés qui seraient vécues dans leur travail ou dans leur vie privée (souci de santé ou autre) par les avocats.

La lourde charge de la coordination des contrôles des comptes tiers incombe également aux Bâtonniers de division.

J’en oublie presque le plus important : le suivi des stagiaires. Notamment, lorsque la commission de stage ou la commission d’agrément évoque une difficulté.

La liste n’est pas ici exhaustive mais elle permet de se rendre compte des tâches qui incombent à chacun.

 

JB : Quel est le bilan, selon vous, du rapprochement après six mois de fonctionnement ?

BDB : Une des pistes sur laquelle nous devons poursuivre, c’est rassurer. Il faut rassurer par rapport au rapprochement et aux changements qui y sont liés, d’autant plus que le changement est beaucoup plus perceptible au niveau des avocats de la division de Huy.

Les premiers mois de fonctionnement sont très positifs. L’entente, tant au sein du comité de direction que du Conseil de l’Ordre, est excellente.

Je pense pouvoir dire que nous n’avons jamais eu d’opposition entre les divisions et qu’il n’y a jamais eu d’incident entre elles.

L’entente avec le Bâtonnier de la Division de Liège est excellente, ce qui nous permet de faire un réel travail de fond et d’avancer sur le défi majeur que peut représenter le rapprochement.

 

JB : Quel est, selon vous, l’intérêt des ordres locaux ?

BDB : En ce qui concerne les ordres locaux, ils justifient de leur intérêt vu le nombre d’avocats en Belgique. Par exemple, le Barreau de Liège-Huy comporte environ 1200 avocats. Il faut bien se rendre compte qu’un Barreau comme le nôtre a des spécificités qu’on ne rencontre pas à Charleroi, par exemple.

Certes, il est essentiel qu’il y ait une représentation des avocats au niveau fédéral et face à la presse en général mais il faut rester proche de la base et de ses enjeux. Souvent, il a été fait le reproche à l’OBFG puis à Avocat.be d’être déconnectés de cette base et des réalités du quotidien de nombreux avocats.

C’est notamment au regard de ces dimensions que les ordres locaux sont essentiels.

Les ordres locaux justifient de leur importance aussi au niveau disciplinaire. J’imagine mal un Conseil de discipline à qui il manquerait cette proximité essentielle à une sanction adéquate.

 

JB : Quelles sont les forces et faiblesses de la profession face aux défis futurs et quels sont les défis majeurs de la profession pour les années à venir ?

BDB : Je vais commencer par la seconde partie de la question. Une dimension essentielle à l’ère du Covid est l’argent et sa gestion.

Nous avons fait un travail particulièrement important sur la question du financement d’Avocats.be et des investissements informatiques.

Je sais qu’ils ne sont pas encore tous visibles à ce jour. Je pense notamment à toute une série de logiciels qui vont sortir sous peu et qui vont venir aider le quotidien des avocats notamment en ce qui concerne la comptabilité et de l’encodage automatique des points formation (Ndlr : la LGOBox).

L’informatisation de la profession constitue l’enjeu majeur des années à venir.

Il faut que nous puissions défendre notre place face à d’autres professions.

Je pense notamment à la question du contrôle des comptes tiers. Si des contrôles ont été instaurés en interne, ce n’est pas par plaisir que cela est fait mais par nécessité. Il faut empêcher qu’une autre profession vienne imposer ses règles. Je pense notamment au fait que les réviseurs d’entreprise auraient pu recevoir la compétence de contrôler les comptes tiers avec les coûts et les contraintes que de tels contrôles auraient pu engendrer.

Les investissements effectués pour la DP-A relève également d’une défense de notre profession par rapport à d’autres qui se proposaient d’investir dans notre communication digitale ! Pour moi, laisser à une profession tierce prendre le contrôle de nos échanges informatiques était un non-sens.

Nous avons enfin un Ministre de la Justice qui est orienté vers une digitalisation de la Justice et qui souhaite investir dans la digitalisation. Nous sommes prêts à relever les défis qui y sont liés.

Les conséquences du Covid vont constituer un défi majeur. Nombre de confrères ont souffert et souffrent encore des conséquences de la crise. Il est évident qu’on ne sait pas comment la situation va évoluer d’un point de vue économique, mais il faudra être vigilent. C’est la raison pour laquelle le Conseil de l’Ordre s’efforce de contenir l’évolution des cotisations à l’Ordre alors qu’il y a de l’autre côté une certaine nécessité à investir.

La crise du Covid a modifié certaines de nos habitudes, je pense à la visioconférence que je n’avais jamais pratiquée avant et qui fait partie désormais de notre quotidien. Je suis presque surpris lorsque j’ai une journée sans.

Il ne faut pas exclure que ces évolutions touchent également le domaine de la justice. Je ne serai pas surpris qu’un jour des audiences se tiennent de façon plus régulière par le biais de la visio-conférence.

Les ordres doivent être là pour s’assurer qu’il n’y ait pas de fracture numérique au sein de la profession.

Je suis d’ailleurs assez surpris, lorsque je vois les sondages, de voir le nombre d’avocats qui n’ont pas encore de site internet, de page Facebook ou qui ne se servent pas des nouveaux moyens de communication.

A cet égard, il y a du travail à ce niveau-là.

 

JB : Quelles sont les suites que vous envisagez après votre mandat de Bâtonnier de division ?

BDB : Honnêtement, je n’en sais rien. Je ne suis que dans ma première année de bâtonnat. Je dois confesser que je suis surtout concentré sur mon mandat actuel et sur les nombreux défis qui y sont liés. Il reste tellement à faire. Je n’ai pas établi de plan pour le futur. Je pense que je devrais sans doute fréquenter également un peu plus mon bureau que je déserte trop à mon goût pour l’instant.

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