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Recension : Les crimes de l’OTAN, Ghislain Dubois
Le titre est lapidaire, presque mutin, pour ne pas dire provocateur. Le sous-titre, ‘Plaidoyer pour les victimes’ en relativise la portée. Mieux, il suggère et dévoile un arcane. Associer l’OTAN au crime alors que l’institution se veut une entreprise de défense et se profile comme un parangon tutélaire œuvrant à la protection de notre occident civilisé n’est pas un exercice aisé. Et ce d’autant que le crime est ici sciemment pluralisé. Cette démarche n’est pas celle d’une figure de proue d’un parti de la gauche de la gauche, pas plus qu’elle n’appartient à un journaliste inquisiteur, sa paternité en incombe à un des Confrères de notre Barreau.
Il faut ne pas passer outre l’introduction de cet ouvrage si l’on veut saisir la portée du propos de Ghislain Dubois qui explique dans quel contexte il fut amené à le rédiger. C’est à la faveur d’un appel téléphonique donné à Me Dubois depuis Tripoli en Libye en juin 2011 que tout débute. L’appel est celui de l’avocat Marcel Ceccaldi, ancien secrétaire de la conférence du Barreau de Paris, connu et médiatisé pour avoir défendu Seif el-Islam Khadafi ou le couple de Laurent Gbagbo, habitué du continent africain qu’il parcourt régulièrement pour les besoins de sa profession. Il lui demande s’il accepte, avec tous les risques que l’on imagine, de prendre en charge un dossier pour le compagnon d’armes du Colonel Kadhafi, le Général Khouildi El Hamidi, dont la propriété vient d’être bombardée par les troupes de l’OTAN.
La proposition est certes singulière mais elle s’avère sérieuse. Une rencontre à Tripoli avec le colonel et le général est prévue. Elle n’aura jamais lieu. Kadhafi sera exécuté en octobre 2011 dans des circonstances qui demeurent incertaines à ce jour. Pour sa part, le général El Hamidi se réfugiera en Egypte où il décédera en 2016 des suites d’un infarctus. Parallèlement, une action sera introduite devant le Tribunal de Ière instance de Bruxelles, territorialement compétent au regard du siège de l’OTAN. Plusieurs victimes des raids meurtriers de l’OTAN entendent se constituer parties civiles contre l’organisation. Elle sera suivie d’un appel. Une action vouée dès le départ à l’échec mais qui aura le mérite de mettre en lumière les « victimes oubliées de l’OTAN », ainsi qu’Amnesty International le pointera dans un de ses rapports.
Si ce livre se veut avant tout un témoignage relatant cette aventure judiciaire, il s’accompagne d’un excursus historique sur les interventions de l’OTAN, en Serbie d’abord, en 1999, en Libye ensuite en 2011. Ghislain Dubois trace des parallèles entre ces deux conflits pour en faire ressortir le rôle ambigu, parfois paradoxal, non assumé, joué par l’organisation nord-atlantique. Ce que l’on retient à sa lecture n’est somme toute pas propre à ce qui s’est déroulé en Libye en 2011. Derrière la bannière fièrement brandie de la sauvegarde des démocraties et des droits de l’homme, certaines guerres cachent mal leur but réel. Elles charrient leur lot de victimes collatérales dans leur sillage que peinent parfois à masquer leurs protagonistes.
Ce récit comporte plusieurs annexes qui le documentent. Ainsi deux résolutions de l’ONU prises en 2011 ; les conclusions déposées dans le cadre de l’appel ; l’arrêt de la cour d’appel de Bruxelles ; le pourvoi en cassation et la reproduction d’un article paru dans le Journal des Tribunaux intitulé : ‘De quelques considérations sur les immunités octroyées aux organisations internationales’, signé de la plume de Justin Vanderschuren. Il est également agrémenté d’une préface de Roland Dumas dont on regrettera le caractère laconique et expédié.
Après avoir écrit sur le duel Argoud-De Gaulle, le conflit irlandais, sur la périlleuse survie de la chrétienté au Liban (ouvrage préfacé par… l’archevêque André-Joseph Léonard), Ghislain Dubois poursuit dans le sillon d’une pensée singulière, nourrie par sa passion de l’histoire et de la politique. Même si ses choix politiques dérangent (il a défendu le Front National français), il apporte un regard personnel qui rompt délibérément avec le consensus mou ambiant du politiquement correct. En cela il mérite notre curiosité.
Ghislain Dubois : ‘Les crime de l’OTAN – plaidoyer pour les victimes’, éditions Dualpha, 2020, 284 p, 27 €, peut être commandé sur www.francephi.com
Eric Therer
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