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Déontologie 3.0. : colloque du 17.11.2017 au Blue Point
Le « BluePoint » à Liège accueillait, ce vendredi 17 novembre 2017, le colloque de rentrée du Barreau de Liège consacré à la « Déontologie 3.0. ».
Cette matinée de réflexion autour des questions déontologiques soulevées par le développement des nouvelles technologies se voulait interactive et dynamique.
En guise d’introduction, Mme le Bâtonnier Isabelle Tasset a dévoilé un de ses rêves aux allures de cauchemar. Dans celui-ci, les avocats avaient délaissé la déontologie, ce qui avait entraîné leur disparition au profit de machines à défendre, rendues réelles par l’évolution des technologies. Ce préambule a permis de rappeler l’importance et la plus-value de la déontologie par une formule de circonstance : « tant qu’il y aura de la déontologie, il y aura des avocats ». Toutefois, face aux nombreux défis qui naissent du développement des nouvelles technologies, il reste à définir les contours d’une « nouvelle » déontologie.
Pour ce faire, le premier intervenant était tout indiqué puisqu’il s’agissait de Me Luc Oger, vice-bâtonnier du Barreau de Namur, membre de la commission informatique d’Avocats.be et auteur d’un récent article paru dans le pli juridique de juin 2017, intitulé « Nouvelles technologies et déontologie : quels enjeux ? ».
Me Oger a commencé son intervention en rappelant le rôle de la déontologie, à savoir celui de différencier les avocats des autres acteurs de plus en plus actifs et entreprenants sur le marché du droit. L’orateur a ensuite relevé plusieurs étapes du développement des technologies dans le secteur du droit (depuis le projet « Phenix », qui a servi d’impulsion, jusqu’à la volonté de l’actuel ministre de la Justice d’accélérer l’informatisation du secteur). Si ces évolutions ont suscité de très nombreuses questions déontologiques en très peu de temps, elles n’ont pas modifié les fondements essentiels de notre déontologie. L’avenir est toutefois incertain dans la mesure où ces importantes évolutions sont de plus en plus rapides et nécessiteront une adaptation dans le chef des avocats.
L’orateur a alors évoqué différents défis déontologiques qui naissent de l’usage des outils numériques, notamment en matière d’externalisation des données, de traitement des données à caractère personnel et de sécurité informatique. Et Me Oger d’insister sur deux éléments : d’une part, le secret professionnel qui constitue la clé de voûte de l’utilisation des nouvelles technologies et, d’autre part, l’importance pour l’avocat d’aujourd’hui et de demain de se former à ces technologies.
En conclusion, le premier intervenant a estimé que, face à l’évolution sans cesse plus rapide des nouvelles technologies, la déontologie doit pouvoir se réinventer mais sans compromission avec ses valeurs fondamentales.
La deuxième intervention était un exposé à deux voix, celles de Me Olivier Bonfond, membre de la commission de déontologie des barreaux de Liège, Verviers, Huy et Eupen, et de Régis Kampangala, conseiller en marketing et communication et consultant à HEC. Cet exposé, qui portait sur les relations entre la déontologie et le marketing, était une belle illustration de l’ambition pratique du colloque. Après quelques rappels théoriques dans ces deux domaines, M. Kampangala a exposé plusieurs options envisageables pour développer l’image de marque d’un cabinet d’avocat, suggestions que Me Bonfond a systématiquement entrepris de confronter aux règles déontologiques pertinentes.
À titre d’exemple, l’envoi d’un courrier électronique personnalisé, destiné à proposer ses services à de potentiels futurs clients, n’est pas proscrit en soi. Toutefois, l’avocat doit dans ce cas être particulièrement attentif à éviter d’exploiter la faiblesse de la personne à qui il écrit ou de porter atteinte à sa vie privée.
Au travers des différents exemples évoqués, les deux orateurs ont insisté sur la nécessaire vigilance à adopter, tout en mettant en lumière le fait qu’en cette matière (et de manière générale), la déontologie ne constitue ni un frein ni un désavantage concurrentiel mais, au contraire, une garantie fondamentale et une véritable opportunité pour la profession.
La troisième intervention était celle de Me Julien Vermeiren, président de la commission de la communication et des technologies de l’information du Barreau de Liège, son exposé ayant pour thème « L’avocat et sa communication : réseaux sociaux et déontologie ».
Par le biais de statistiques particulièrement marquantes sur la place occupée par les réseaux sociaux dans la société, il a mis en évidence l’importance pour les avocats d’être présents et actifs sur ces plateformes. En effet, selon lui, notre métier doit répondre aux attentes du public qui recherche souvent prioritairement les informations sur le net, en vertu du principe de confiance digitale.
Si les réseaux sociaux sont des vitrines potentiellement très utiles pour les avocats, l’orateur a toutefois attiré l’attention des participants sur l’importance des balises déontologiques qui doivent également, voire surtout, s’appliquer derrière un écran. Il faut dès lors être vigilant au contenu que l’on publie, à l’interdiction d’effectuer publiquement une consultation précise et circonstanciée, de même qu’au nécessaire respect du secret professionnel et du devoir de dignité.
Dans la seconde partie du colloque, les participants se sont répartis en trois ateliers portant respectivement sur les technologies numériques, le marketing et les réseaux sociaux.
Ces ateliers, animés par la jeune équipe de l’Incubateur d’Avocats.be, ont pris la forme de débats, souvent passionnés, entre les participants.
Au sein du groupe de réflexion portant sur le numérique, les discussions ont porté sur la nécessité de familiariser les avocats aux nombreux nouveaux outils technologiques existants, mais souvent méconnus, alors qu’ils peuvent pourtant se révéler très utiles à l’exercice du métier. De nombreuses questions pratiques ont par ailleurs été posées et ont mis en lumière la difficulté d’être exhaustif quant aux pratiques autorisées ou non, la déontologie demeurant essentiellement une affaire d’hommes.
Les discussions de l’atelier portant sur le marketing ont quant à elles traduit un certain sentiment d’inquiétude par rapport à la déontologie. Celle-ci est trop souvent considérée comme un frein, alors qu’il s’agit justement d’un argument de vente et d’une garantie pour les clients. Il reste donc du chemin à parcourir pour la présenter comme un atout.
Enfin, les débats ont également été très vifs au sein du groupe traitant de la présence des avocats sur les réseaux sociaux. Si certains confrères sont convaincus de l’utilité d’une utilisation active de ceux-ci, une véritable crainte a été exprimée par de nombreux participants de toutes les générations quant aux risques que cela implique, notamment ceux liés à l’exposition de l’avocat à la critique publique. Les discussions ont également permis d’insister sur la nécessité de mettre en place des formations et des lieux de réflexion quant à la présence des avocats sur les réseaux sociaux.
Pour conclure la matinée, Me Sébastien Olivier, vice-président de la commission de déontologie des barreaux de Liège, Verviers, Huy et Eupen, qui présidait l’événement, a rappelé que l’ambition du colloque était de parler de déontologie sans que cela soit perçu comme un interdit, mais bien comme une opportunité. Il a insisté sur les limites souvent floues de la déontologie, surtout lorsque cette dernière doit s’appliquer aux nouvelles technologies. Il a donc lancé une proposition originale, à savoir la rédaction d’un vade-mecum qui listerait l’ensemble des règles applicables à la matière, actuellement réparties dans les différents codes et réglements. Ce vade-mecum devrait également décliner les grands principes de déontologie, sans nécessairement en modifier le contenu, mais en les appliquant concrètement aux nouvelles technologies, afin d’assurer l’effectivité de ces règles. Enfin, cette démarche serait également l’occasion d’établir une série d’exigences minimales relatives à l’hygiène informatique et à la sécurité. Ce travail de rédaction, qui devrait être évolutif et enrichi des expériences de chacun, pourrait être l’œuvre de la commission de déontologie et de la commission TIC.
Certes, le chantier est immense et sans doute infini, en raison de l’évolution toujours plus rapide des nouvelles technologies. Mais ce colloque aura souligné l’urgence de s’occuper de ces sujets afin d’accompagner, sans renoncement, l’irrémédiable basculement numérique auquel est aujourd’hui confrontée la profession d’avocat.
À en croire une récente communication de Mme le Bâtonnier, le nombre d’avocats qui liront ce compte rendu (jusqu’au bout) est relativement faible… Espérons toutefois qu’ils seront plus nombreux à s’intéresser aux défis évoqués dans ce colloque et aux enjeux majeurs qu’ils représentent. Les opportunités sont multiples. A nous de les saisir !
Jacques MOUTON et Rodrigue DEMEUSE
Programme du colloque:
8H30 : Accueil
8H45 : Introduction
Maître Isabelle TASSET, bâtonnier de l’Ordre des avocats du barreau de Liège
8H55 : Ouverture des travaux
Sous la présidence de Maître Sébastien OLIVIER, avocat au barreau de Liège, vice-président de la commission de déontologie des barreaux de Liège, Verviers, Huy et Eupen
9H : L’avocat et ses outils numériques : un défi légal et déontologique
Maître Luc OGER, vice-bâtonnier du barreau de Namur, membre de la commission informatique d’AVOCATS.BE
9H30 : L’avocat et la conquête de son marché : marketing et déontologie
Maître Olivier BONFOND, avocat au barreau de Liège, membre de la commission de déontologie des barreaux de Liège, Verviers, Huy et Eupen
Monsieur Régis KAMPANGALA, conseiller en marketing et communication, consultant coach HEC Executive School
10H : L’avocat et sa communication : réseaux sociaux et déontologie
Maître Julien VERMEIREN, avocat au barreau de Liège, président de la commission communication et technologies de l’information du barreau de Liège
10H30 : Pause café
10H45 : Travaux en ateliers
Trois ateliers distincts seront organisés en continuation des exposés : outils numériques / marketing / réseaux sociaux (choix à opérer lors de l’inscription). Ces ateliers seront animés par la jeune équipe de l’Incubateur d’AVOCATS.BE
11H50 : Débriefing des ateliers en séance plénière
12H15 : Conclusions
Maître Sébastien OLIVIER, avocat au barreau de Liège, vice-président de la commission de déontologie des barreaux de Liège, Verviers, Huy et Eupen
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