Deux jours et trois nuits à Genève - l'UIA, l'Etat de droit et les réfugiés.

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Deux jours et trois nuits à Genève - l'UIA, l'Etat de droit et les réfugiés.

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Au sein de la commission des relations extérieures du barreau de Liège, Me Jean-François HERNOTTE, directeur adjoint de l'Union Internationale des Avocats (UIA), relaie l'invitation au prochain sommet des Présidents. Je le remercie ici pour ses encouragements à participer et sa bienveillance.

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Sous la Présidence de Me Pascal MAURER, Directeur Général de l'UIA-IROL (Institue for the Rule of Law), la modération de Me Ryan HOUDROUGE, président de la commission droits de l'homme de l'UIA, et de Me Christopher KENDE, le forum s'installe confortablement dans la salle de conférence de l'étude Lalive, le jeudi 1er juin.

C'est le point de vue des praticiens sur la protection des réfugiés à l'épreuve du terrain qui préoccupera les avocats tout au long de la journée.

Les embûches sont notoires. Qu'il s'agisse des juges et avocats italiens ou espagnols sous la pression d'un contentieux de masse, des avocats libanais face au quart de leur population constituée de réfugiés syriens et de leurs enfants apatrides, de la difficile assistance des demandeurs d'asile dans les "hot spot" de Lampedusa, Lesbos, Ceuta ou Melila, des juges, avocats et ONG œuvrant dans des Etats signataires ou non de la Convention de Genève, tous s'accordent sur la nécessité, pour garantir les droits fondamentaux des migrants, d'un système d'aide juridique renforcé, muni d'avocats compétents, formés et correctement rémunérés.

Mme Maya SAHIL-FADEL, Rapporteure spéciale sur les Réfugiés, les Demandeurs d'asile, les Personnes déplacées et les Migrants en Afrique, nous inspire d'abord en rappelant le principe de solidarité et du partage du fardeau entre Etats signataires de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples, ainsi que de la possibilité de reconnaître massivement la qualité de réfugié sur la base d'une définition plus large et d'un examen prima facie de la situation des migrants.

Par Skype, nous nous entretenons aussi avec un avocat membre du Centre Libanais des Droits Humains, qui nous explique les conditions difficiles (et pro bono) de défense des réfugiés, lorsque les conventions de Genève ne sont pas ratifiées, qu'aucun accès aux droits économiques et sociaux ne leur est permis, qu'aucun statut ne leur est applicable, et que les expulsions vers la Syrie ne sont suspendues qu'en vertu d'un gentleman agreement.

Mme Simone Carole DAHAN, représentante de l'UNHCR, tout en saluant toutes les initiatives pro bono, insiste sur la responsabilité de l'Etat dans la mise en œuvre d'un système d'aide juridique efficace et dénonce la tendance des Etats consistant à criminaliser la migration, contre leurs engagements internationaux.

Les échanges entre les participants et intervenants, avocats, juges, ONG, sont animés par un sentiment d'unité entre ceux qui luttent, au quotidien, pour offrir une protection aux personnes vulnérables qui ont franchi les frontières.

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Le lendemain, c'est dans la salle de conférence XIII de l'immense Palais des Nations, siège des Nations Unies à Genève, que se poursuit la rencontre avec le sommet des Présidents des barreaux membres de l'UIA, consacré à la nécessité de l'Etat de droit pour le maintien de la paix et à la responsabilité des avocats et des barreaux vis-à-vis des réfugiés.

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En plus de l'accès au résumé des interventions pertinentes et de grandes qualité, par des orateurs de premier choix, leur (re)visionnage vous régalera, entre autres :

  • de la lucidité déconcertante de Mr Michaël MOLLER, directeur général de l'ONU à Genève, sur les échecs de la communauté internationale dans le maintien de l'Etat de droit;

https://youtu.be/i3N8TGFRcjo

  • de l'analyse documentée de Mr Volker TÜRK, Haut Commissaire assistant de l'UNHCR, sur la corrélation directe entre le renforcement de l''Etat de droit et les flux de réfugiés;

https://youtu.be/EmHSRb14_fM

  • ou encore de la  dangerosité des discours criminalisant les ONG effectuant des sauvetages en mer, dénoncée par Mr Yves DACCORD, le Directeur Général du Comité International de la Croix-Rouge.

https://youtu.be/5QHmlRTrFLE

Toucher plusieurs centaines d'avocats, dont l'activité première n'est généralement pas le droit de l'immigration, sur la nécessité de renforcer le rôle des avocats et des barreaux dans la sauvegarde de l'Etat de droit et dans la défense des réfugiés, est la mission que l'UIA peut se féliciter d'avoir accomplie.

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Déjà quelques mois plus tôt, l'assemblée générale de l'UIA ratifiait les principes de base sur le statut des réfugiés à Budapest, auxquels a notamment adhéré le CCBE. Parmi ces principes, les responsabilités des barreaux sont notamment :

  • de participer activement aux débats politiques autour des initiatives législatives relatives au statut des réfugiés, demandeurs d'asile ou à la réglementation de l'asile et d'y assurer le rôle de gardien des standards internationaux (5.4.);
  • d'assurer dans toutes les mesures possibles la formation des avocats au droit des réfugiés (5.5.);
  • de veiller à ce que la gestion de l'aide légale s'effectue en transparence et ne génère pas de formalités excessives pour les avocats intervenant au titre de l'aide légale (5.6.);
  • d'assurer la défense et la protection des avocats "de première ligne" lorsqu'ils sont susceptibles de faire l'objet d'intimidations ou représailles de la part des régimes hostiles ou défavorables, dans les régions où ils agissent en défense des droits des réfugiés (5.8.)

 

A l'issue du forum et du sommet, je ne peux qu'inviter Avocats.be et le barreau de Liège à adhérer expressément, comme le CCBE, à ces principes.

Avocats.be et le barreau de Liège ont d'ailleurs déjà assumé à plusieurs reprises ces responsabilités: en se positionnant contre la politique de découragement des réfugiés irakiens, en dénonçant les intimidations récurrentes du Secrétaire d’État à la politique de l’asile et de la migration contre les avocats...

De même, une commission de réflexion sur une formation préalable à l’accès aux permanences de droit des étrangers a été mise sur pied par la commission aide juridique d’Avocat.be.

En matière d'aide juridique, l'adhésion aux principes de Budapest nous permettrait-elle aussi de renverser la vapeur du découragement de nombreux praticiens du droit des réfugiés, qui avouent se désengager du système de pro deo en raison de l’alourdissement disproportionné de la charge administrative consécutive à la récente réforme ?

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En conclusion, je vous invite à vous tenir informés des activités de l'UIA, dont l'engagement dans ces causes, qui me sont chères, m'a renforcée dans la conviction que les espaces de rencontres internationales d'avocats sont le lieu privilégié du développement de leur influence dans la réponse à réserver aux défis de notre époque.

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Sybille Gioé

 

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