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On a testé pour vous : un (long) après-midi à l’Assemblée générale d’AVOCATS.BE
On a testé pour vous : un (long) après-midi à l’Assemblée générale d’AVOCATS.BE
Après « un après-midi au Conseil de l’ordre » de notre barreau, l’équipe de l’Open Barreau a été un pas plus loin et a réussi à assister à une des réunions de l’Assemblée générale d’AVOCATS.BE.
C’est quoi encore ce « truc » et comment ça fonctionne ?
Préparation oblige, je suis retournée dans mon cours CAPA pour un petit rappel. Donc, le Code judiciaire prévoit que les douze barreaux du sud du pays forment l’ « Ordre des barreaux francophones et germanophone » (ou le fameux « O.B.F.G. »), renommé « AVOCATS.BE » pour une meilleure compréhension du grand public. Comme pour une entreprise, il y a une assemblée générale (A.G.) et un conseil d’administration (C.A.).
Le conseil d’administration (C.A.) est composé du Président et des administrateurs. L’assemblée générale comprend le C.A., tous les bâtonniers, et, à titre d’observateur, un représentant du barreau de cassation. Seuls les bâtonniers ont le droit de vote. C’est là qu’on adopte tous les règlements qui s’appliquent ensuite à nous tous. Donc, l’A.G. c’est comme un mini parlement et le C.A. une sorte de gouvernement.
Les administrateurs sont des avocats élus par l’A.G. (donc les bâtonniers) pour un mandat de 3 ans (renouvelable 1 fois). Ils sont 8 : 4 bruxellois et 4 non bruxellois. Maître Stéphane Gothot est actuellement l’administrateur qui vient du barreau de Liège (à noter que deux mandats doivent justement être renouvelés le 22 mai 2017 et 2 candidats liégeois sont en lice : Maître Stéphane Gothot et Maître Jean-François Henrotte). Chacun est en charge d’une matière/d’une thématique particulière. Ainsi, Maître Gothot s’occupe de la communication et de la formation (initiale et continue) tandis que Maître Jean-Marc Picard, de Bruxelles, s’occupe de l’aide juridique, par exemple. Lors de l’A.G, l’administrateur présente le point et ensuite les bâtonniers en débattent et, éventuellement, votent. D’après nos informations, ce travail d’administrateur correspond à environ un mi-temps à lui tout seul. Les heureux élus sont défrayés à hauteur de 3.000€ brut par mois.
Montrer patte blanche
Peut-on assister à une A.G. d’AVOCATS.BE ? « Oui, sans souci » d’après Maître Patrick Henry. « Pas de problème », dit Maître Jean-Pierre Buyle, Président, « mais on va quand même demander l’avis de tous les bâtonniers ». Une présentation officielle du projet et quelques échanges de mails plus tard, je reçois enfin le feu vert et l’ordre du jour de la réunion du 24 avril 2017.
Notre bâtonnier me prévient : ça va être long, les débats sont prévus de 14h à 20h. Impossible de vous transmettre l’ordre du jour[1] : il fait 2 pages à lui tout seul. Je prévois boisson énergisante et nourriture en suffisance.
Bruxelles or not Bruxelles ?
L’A.G. du 24 avril 2017 se tient à la Chambre du Commerce et de l’Industrie de Verviers, à Chaineux. Tiens, ce n’est pas à Bruxelles ? Première leçon : depuis le Président Patrick Henry, une A.G. sur deux se tient à l’extérieur pour aller à la rencontre des barreaux. Ainsi, avant chacune de ces A.G., le C.A. (le Président et les administrateurs) rencontre le Conseil de l’ordre du barreau accueillant. Cette fois, il s’agit de Verviers et Eupen (La bâtonnière d’Eupen me confie d’ailleurs être ravie de ne pas devoir, pour une fois, conduire pendant 2h pour rentrer chez elle). C’est l’occasion pour les conseillers de l’Ordre de ces barreaux de poser des questions et de faire remonter certaines préoccupations. De l’avis des administrateurs, c’est une belle initiative et cela fonctionne plutôt bien.
Arrivée sur place, c’est le moment des présentations. Douze bâtonniers, huit administrateurs, un président, un ancien président, une représentante du barreau de cassation, une secrétaire générale…
J’essaie tant bien que mal de retenir les noms et visages de chacun. Vous trouverez ci-dessous une photo de famille avec tous les participants :
A noter que sur les vingt-quatre personnes présentes, il n’y avait que cinq femmes (Maître Leila Jalajel, bâtonnière d’Eupen, Maître Isabelle Tasset, future bâtonnière de Liège, Maître Jacqueline Oosterbosh, représentante du barreau de cassation, Maître Stéphanie Moor, administratrice et Madame Christine de Ville, secrétaire générale d’AVOCATS.BE). L’égalité homme-femme n’est pas encore arrivée jusqu’à notre plus haute instance…
Un ordre du jour chargé
La réunion commence avec un léger retard (dû à un changement de salle imprévu). Le Président Buyle ouvre la session à 14h30. Il annonce que, vu l’ordre du jour extrêmement chargé, la réunion sera dédoublée : une partie des points seront traités aujourd’hui et les bâtonniers ont rendez-vous le 8 mai prochain pour les points restants. Deux réunions de 14 à 20h, ils en ont des choses à discuter et décider !
D’un point de vue organisationnel, les tables forment un rectangle. Il n’y a pas de place officiellement établie mais une coutume semble s’être développée : Le président est entouré de l’ancien Président et de ses administrateurs. Les bâtonniers s’asseyent en face et sur les côtés. La plupart sont équipés d’ordinateurs, voire de tablettes. Avec mon bloc-notes, je semble être l’une des seuls à ne pas avoir encore succombé à l’ère numérique.
Derrière certains points de l’ordre du jour sont inscrites des mentions un peu absconses (A.G. 3ter – A.G. 4, etc.). J’apprends qu’elles indiquent à quel stade le projet de règlement se situe dans le processus « législatif » de l’A.G. Ainsi, chaque projet doit passer par quatre A.G. : d’abord, une présentation ; ensuite, une discussion ; puis le vote du projet et des propositions d’amendements ; et enfin, un dernier vote de « relecture » après mise en forme définitive.
Certains projets restent bloqués à un des stades et reviennent à plusieurs reprises : on parle alors de bis, ter, etc. Ainsi, le projet de réglementation relatif aux obligations, tant de formation que de prestations, des avocats qui interviennent dans le cadre des « permanences Salduz » et du «Salduzweb » est mentionné en « A.G. 3ter » : cela signifie qu’il en est au stade de l’adoption (A.G. 3) mais des amendements ont été proposés par Mons et Charleroi, qui ont nécessité des discussions pendant plusieurs A.G. (d’où le « ter »). Cette fois-ci est la bonne : le projet est adopté.
Certains points passent très vite (dans ce cas-ci, aide juridique, campagne de communication, etc.), d’autres prennent beaucoup plus de temps. Les deux points majeurs de la réunion du jour sont, sans conteste, le topo sur les projets informatiques et la thématique du harcèlement sexuel.
Pour chaque point, l’administrateur en charge de la matière fait une brève (ou parfois longue) présentation. Le Président passe ensuite la parole aux uns et aux autres, sans jamais se départir de son calme. Il donne parfois son avis et renvoie aux différents conseils de l’Ordre quand un point ne semble pas mûr (ainsi de la thématique de l’avocat détaché en entreprise ou du contrat de collaboration).
L’informatique et la fuite des bâtonniers
Sur les six heures de réunion, plus de deux heures seront consacrées aux projets informatiques. Maître Jean-Louis Joris fait un long exposé de la situation (REG-SOL, carte professionnelle, D.P.A.). Lorsqu’il donne la parole à Monsieur Gaëtan Clérens, « project manager », chargé de présenter le plan financier, les bâtonniers profitent de ce qu’il a besoin de quelques minutes pour mettre son « powerpoint » en place pour s’éclipser et prendre une petite pause. Je ne demande pas mon reste et profite également de cette pause bien méritée après plus de 3h de réunion. Le Président Buyle tente de faire revenir ses ouailles par l’intermédiaire de l’administrateur Eric Balate mais les bâtonniers résistent et il faut l’intervention, douce mais ferme, de Maître Isabelle Tasset pour qu’ils acceptent de regagner leur banc.
S’ensuit une discussion sur la question de la redevance pour le futur e-deposit avec un débat à propos des justiciables bénéficiant du pro deo : les avocats « bajistes » devront-ils également payer pour leur e-deposit (même avec un montant moindre) ou doivent-ils profiter d’une exemption avec, pour corollaire, une augmentation de la redevance pour les autres avocats et, donc, leurs clients ? Chaque bâtonnier donne le point de vue de son Conseil de l’ordre. De façon générale, l’opinion semble pencher vers une exemption pour les « bajistes » mais le point est considéré comme insuffisamment mûr et le vote sur la question est renvoyé à une prochaine AG.
Arrive la pause officielle avec café et petits gâteaux. Il y a évidemment une tarte au riz (on est à Verviers quand même). C’est le moment de la photo officielle. Tous les participants se prêtent au jeu avec bonne humeur.
Le harcèlement
Après la pause, le Président Buyle accueille Maîtres Cécile Taymans et Louis Godart, représentants du «carrefour des stagiaires » de Bruxelles (leur « commissaire-stagiaires » en plus grand). Ceux-ci exposent avoir eu plusieurs retours de cas de harcèlements sexuels de stagiaires par leur maître de stage et présentent un projet de règlement en la matière avec mise en place d’une cellule d’écoute ainsi que d’une procédure spécifique.
Les bâtonniers prennent la parole les uns après les autres. Tous soutiennent l’importance d’une personne d’écoute mais diffèrent quant à celle-ci. Ils expriment également, assez unanimement, leur envie de ne pas limiter le débat au harcèlement sexuel et de l’étendre au harcèlement moral, plus répandu.
Tables hautes et verrines
Après quelques autres plus petits points, le Président Buyle met fin à la réunion à 20h30. Les personnes qui le souhaitent peuvent manger un morceau sur place. Pas de grand tralala : trois tables hautes et des verrines. La plupart des bâtonniers mangent et filent rapidement car ils ont encore une, voire deux, heures de route devant eux pour rentrer dans leur barreau respectif. C’est l’occasion de parler de façon plus informelle avec les uns et les autres. J’apprends ainsi que le bâtonnier de Charleroi est un grand fan de la ville de Rome. Il y va tellement souvent qu’il y joue maintenant les guides. A bon entendeur…
Je repars vers 21h30, épuisée par cette réunion marathon et impressionnée par ces hommes et ces femmes qui consacrent tellement de leur temps à l’administration de notre barreau et de notre profession.
Le fonctionnement de cette institution n’a donc maintenant plus de secret pour vous. Si le fond des discours vous intéresse, sachez que Maître Stéphane Gothot fait un rapide compte rendu (« En direct de l’A.G. ») qui paraît toujours dans la Tribune suivante, soit maximum dix jours plus tard. Par ailleurs, les P.V. sont mis en ligne in extenso sur l’extranet d’AVOCATS.BE.
Florence NATALIS
[1] Découvrez le PV de cette AG sur l’extranet d’AVOCATS.BE ou à l’adresse http://obfg.be/pv/P.V.%202017-AG-04%20du%2024%20avril%202017%20avec%20annexes%201-7C.pdf
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