Le Mot du Bâtonnier

Bâtonnier

 

« Gagner et perdre : non »

« Gagner et apprendre : oui ! »

dembour

Jeudi 18 mai 2017, Charleroi - Danses, congrès d’Avocats.be.

Marie-Hélène Ska, secrétaire générale de la CSC, croise le fer avec cinq « mâles dominants », et spécialement avec Salvatore Curaba, fondateur, il y a 18 ans, de la société EASI, meilleur employeur du pays trois années de suite (2015, 2016 et 2017).

Le point commun entre ces 6 protagonistes ? « Ils ont pensé le futur ».

Marie-Hélène Ska s’exclame : « La Wallonie serait belle sans les wallons ».

Devons-nous, un brin désabusés ou désespérés, reconsidérer notre mode de fonctionnement, ainsi que le suggère Marie-Hélène Ska (je le concède, le trait est forcé et le propos réducteur), ou nous positionner en « héros », ainsi que nous y invite Salvatore Curaba ?  Pour ce dernier, les « vrais héros, ce sont les entrepreneurs ». Tandis que Marie-Hélène Ska « ne veut pas être un héros ».

Entre ces deux postures, je me nourris de la ligne de conduite suggérée par l’excellent animateur de ce débat, Amid Faljaoui (lequel est, notamment, directeur des magazines le Vif-l’Express et Trends-Tendances) : « gagner et perdre : non ; gagner et apprendre : oui ».

Mon esprit divaguait dans ces pensées multiples et variées à l’aube du surlendemain de ce  congrès rafraichissant, au hasard d’une traversée printanière de notre si belle Ardenne liégeoise, envahie de lumières contrastées et balisée par ses reliefs verdoyants et envoûtants.

Oui, c’est vrai, parfois, j’imagine aussi notre belle Wallonie sans les Wallons !

Jean-Pierre Rousseau l’exprimait déjà – d’une certaine manière – en 2010 (le Vif, 23 avril 2010, page 13) :

« Oui, j’ai découvert en Wallonie un dynamisme économique incroyable. Je vois la niaque et l’envie de s’en sortir. Ce qui m’énerve, et qui peut me faire sortir de mes gongs, c’est que les Wallons n’exploitent pas assez tous les atouts qu’ils possèdent (…) Il faut arrêter de véhiculer ce discours pessimiste, qui arrange les gens qui n’ont pas beaucoup d’imagination, qui n’ont pas envie de bouger, et qui ne veulent pas que ce système un peu clientéliste évolue (…) ».

 

Moi aussi, parfois, souvent, je m’énerve… et me laisse aller -rarement bien sûr !- jusqu’à râler.

* * *

Je râle, lorsque je pense aux locaux du bureau d’aide juridique.

Depuis près de 5 ans, le déménagement du BAJ est « à l’ordre du jour ».

Mes prédécesseurs et moi-même ont continuellement relancé l’administration, eu égard à l’absence d’évolution – pour ne pas écrire l’immobilisme – conjuguée aux conditions indignes de travail du personnel, contraint de travailler dans un bâtiment notoirement insalubre.

Je pense à nouveau à Courteline, dans cet interminable déménagement avec des gens des administrations éloignées de la justice qui, je le cite, « ne servent qu’à compliquer un tas d’affaires qui iraient toutes seules sans cela ».

« Il faut rompre », écrivait Benoît Dejemeppe (JT 2015, pages 306, 307, « Justice pour le Palais »), « avec le principe d’indécision qui domine aujourd’hui en raison de la responsabilité bicéphale de la Régie des Bâtiments et du Ministère de la Justice, les chefs de corps assistant impuissants à une interminable partie de ping-pong, où l’on se contente de parer au plus pressé dans l’ordre des réparations ».

Monsieur le Premier Président Dewart évoquait en 2015 une nouvelle spécialité de l’administration : « l’ingénierie de  l’inertie ».

Il y a un an (le 27/4/16), l’Administrateur général de la Régie des Bâtiments nous confirmait que « le dossier de l’aménagement des locaux situés au rez-de-chaussée de l’aile nord pour le BAJ fait partie des priorités », tout en annonçant que le début des travaux était « envisagé » pour le mois de septembre 2016.

Un an plus tard, le début des travaux est à nouveau envisagé en septembre (2017 cette fois !), ainsi que nous en a écrit Monsieur le Conservateur ce 18 mai : « J’insiste auprès du chef de service de ma direction pour qu’une attention particulière soit réservée à ce dossier afin d’accélérer la procédure de décision d’attribution et de permettre, ainsi, le commencement des travaux dans les plus brefs délais (au mieux, mi-août, début septembre). »

Je m’abstiendrai, ici et maintenant, de nouveaux commentaires.

Madame le vice-Bâtonnier, je vous transmets le témoin… et les ciseaux pour l’inauguration « prochaine » des nouveaux locaux du bureau d’aide juridique.

* * *

Mais je reste optimiste pour notre profession !

Nous devons rebondir, en entrepreneurs que nous sommes (devenus…).

Monsieur Curaba nous exhorte à placer l’humain au centre de nos préoccupations, à « faire le bonheur de nos collaborateurs », à travailler en équipe.

Notre objectif quotidien ? Tendre à être 100% positif.

Pourquoi ? La négativité est beaucoup plus toxique qu’on ne le pense, tant pour nous que pour ceux qui nous entourent. Les pensées négatives interfèrent avec la réalisation de notre plein potentiel (extrait de « Rugir, ruminer ou respirer par le nez », Guy Perron et Raymond Arpi, Editions de l’homme).

A Charleroi, Bernard Delvaux, patron de la SONACA, interpellé par l’un de nos confrères (« Qu’attendez-vous d’un avocat ? ») nous a suggéré de nous approprier les innovations au lieu de les regarder.

Il nous a également conseillé, un sourie en coin, presque complice, d’utiliser des phrases courtes, à rendre « simples » nos consultations.

* * *

En fin de journée, les organisateurs du congrès « rebondir » nous ont offert d’entendre notre confrère Kami Haeri, avocat au barreau de Paris depuis 1997. En février 2017, il a remis son rapport sur « l’avenir de la profession d’avocat » à Jean-Jacques Urvoas, Garde des sceaux, Ministre de la Justice.

Ce rapport est construit sur la base de 130 auditions d’avocats et d’acteurs de l’économie et des nouvelles technologies et propose des réflexions sur les domaines et les modalités d’exercice de la profession.

Vous lirez certainement ce rapport dont je vous livre, en guise de conclusion, quelques lignes :

« Notre profession a en main toute les cartes, elle possède tous les talents : compétence, jeunesse, liberté, histoire. Elle peut incarner toutes les espérances. En menant ces réflexions, en élaborant ces propositions, nous espérons qu’avec une sagesse rassemblée, nous comprendrons tous que l’excellence, l’agilité et l’innovation, la mobilité et la pluridisciplinarité, la symétrie des attentions et le légitime désir d’être heureux dans la profession constituent désormais, dans ce siècle adolescent, une partie nouvelle et inaliénable de nos principes essentiels, auxquels ils se mêlent désormais, dans l’espace et le temps. »

J’aime cette invitation à revenir à l’essentiel de notre profession, tout en prenant un certain recul.

* * *

Je termine.

C’est le sens de la vie que d’aspirer à prendre quelque distance, quelque altitude : « Duc in altum », allez au large !

En cette fin d’année judiciaire, c’est ce que je souhaite à chacune et à chacun d’entre vous.

A propos d’altitude, je vous donne mon traditionnel rendez-vous : cette fois-ci ce sera le 11 Juillet 2017 à 13h13 au Col du Tourmalet (altitude ? 2115 mètres !).

Bien confraternellement,

 

François DEMBOUR

Bâtonnier du barreau de Liège

Le 24 mai 2017

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