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Immeuble partiellement affecté à l'activité professionnelle : « Ils se marièrent et eurent beaucoup…plus de déductions fiscales »
Il était une fois, un avocat fraîchement marié sous le régime légal de communauté (le fameux « ce qui est à moi est à toi »). Cet avocat décide d’acheter, avec son conjoint, une demeure des plus coquettes. L’avocat étant, par essence, submergé de travail, il souhaite également installer, dans son immeuble privé, un bureau secondaire depuis lequel il pourra traiter quelques dossiers (la nuit, les week-ends et jours fériés…).
Passée l’euphorie des nouveaux projets, l’avocat se voit contraint de se pencher sur la très prosaïque question fiscale : dès lors qu’il affectera une partie de son immeuble à l’exercice de son activité professionnelle, dans quelle proportion pourra-t-il déduire une partie des frais liés à cet immeuble (notamment l’amortissement du prix d’acquisition), au titre de frais professionnels ?
Cette question intéresse aussi son voisin, également avocat et copropriétaire d’un immeuble, mais qui lui a fait le choix de la cohabitation légale.
A l’occasion d’une réponse à une question parlementaire, le Ministre des Finances a récemment exposé la position de son administration concernant ce cas de figure[1]. Celle-ci a de quoi étonner[2].
Le Ministre indique que, dans le cas de conjoints mariés sous le régime de la communauté, l’immeuble appartient en totalité au patrimoine commun. Chaque époux est donc propriétaire de 50% de tout l’immeuble. L’époux qui affecte partiellement l’immeuble à son activité professionnelle peut donc déduire les frais qui s’y rapportent à concurrence du pourcentage correspondant à l’affectation professionnelle.
Dans l’exemple de notre avocat de départ, à supposer que 20 % de son immeuble soient affectés à son activité, il pourra déduire les amortissements concernant l’immeuble à concurrence de 20% (soit 100 x 20%).
Le voisin qui a opté pour la cohabitation légale aura, lui, moins de chance.
En effet, dans l’hypothèse d’une cohabitation légale, le Ministre des Finances considère que, en l’absence de patrimoine commun, l’immeuble appartient pour moitié au patrimoine de chaque copropriétaire.
Chaque copropriétaire n’est donc en mesure d’affecter que sa partie (50 %) à son activité professionnelle, ce qui a pour effet de diminuer la quote-part de frais déductibles.
Ainsi, le voisin de notre avocat qui affecte également une partie de son immeuble à son activité, à concurrence de 20 %, ne pourra déduire les amortissements relatifs à son immeuble, qu’à concurrence de 10 % (soit 100 x 50 % x 20 %).
Le député à l’origine de la question parlementaire voit dans ce cas d’application une différence de traitement injustifiée, qui démontre que la réglementation actuelle est inadaptée aux nouvelles formes de vie commune.
A l’estime du Ministre des Finances, cette différence de traitement ne provient pas d’une volonté de traiter différemment les conjoints et les cohabitants légaux, mais résulte uniquement d’une différence dans le droit de propriété de chacun.
Rappelons, à ce sujet, que la Cour constitutionnelle considère que la situation juridique des conjoints et des cohabitants légaux est différente, en ce qui concerne tant leurs devoirs personnels mutuels que leur situation patrimoniale. Selon la Cour, « cette situation juridique différente peut, dans certains cas, lorsqu'elle est liée au but de la mesure, justifier une différence de traitement entre conjoints et cohabitants légaux »[3].
Compte tenu de ce qui précède, l’on aurait tort de considérer que la cohabitation légale est pleinement assimilée au mariage ; ceci n’est vrai que pour certaines mesures (notamment, le tarif des droits de succession). Il convient de garder cette considération à l’esprit au moment de l’acquisition conjointe d’un immeuble, plus encore si celui-ci sera partiellement affecté à une activité professionnelle.
Nos deux héros vécurent néanmoins heureux (l’un sans doute plus que l’autre…).
FIN.
[1] Chambre, session 2015-2016, n° 54 COM 465 – Question n° 12453 de Monsieur Luk Van Biesen, le 6 juillet 2016.
[2] Pour un commentaire, voy. E. Masset, « Immeuble acheté par des cohabitants et amortissement de la partie professionnelle », Brève du 16 mars 2017, disponible sur www.fiscalnet.be, et « Cohabitation légale : quels amortissements déduire lorsque l’un des partenaires affecte partiellement l’immeuble à des fins professionnelles ? », in Actualités fiscales, n° 2016/39.
[3] C.C., arrêt n° 129/2010 du 18 novembre 2010 ; C.C., arrêt n° 109/2012 du 20 septembre 2012.
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