Partager sur
Le 31ème congrès de la Conférence Internationale des barreaux de tradition juridique commune à Yaounde (Cameroun)
Cette année encore, le Barreau de Liège était présent au congrès de la Conférence internationale des barreaux de tradition juridique commune qui s'est tenu à Yaounde.
Maîtres Sibylle GIOE et Thomas BOCQUET nous racontent leur séjour et l'expérience qu'ils ont pu vivre.
L’arrivée et l'accueil
Pour son 31ème congrès, la Conférence internationale des barreaux de tradition juridique commune (CIB) a été dignement accueillie par le Barreau camerounais : hôtesses portant fièrement les couleurs de la CIB, salon VIP et escorte de police jusqu'à nos hôtels. Le ton était donné...
Premier jour de Congrès : lignes directrices.
Le mercredi 7 décembre, la cérémonie d'ouverture du congrès insufflait une certaine excitation aux 1.200 avocats réunis autour du thème « l’Etat de droit face aux nouveaux défis sécuritaires, mythe ou réalité ».
En effet, la grande salle du Palais des Congrès, sur les hauteurs de Yaoundé, s'est d'abord remplie de nombreux murmures, caméras, journalistes et autres photographes : Son Excellence Ministérielle Laurent ESSO, représentant personnel du Président Paul BIYA, était enfin arrivé. Il a conclu la cérémonie inaugurale deux heures plus tard en formulant ses vœux de succès au congrès.
Parmi les introductions notoires, Maître Yasmine ATTIA (Tunisie), lauréate en 2015 du concours de plaidoirie de la Francophonie, a défié les congressistes de répondre aux enjeux démocratiques tendus par une pression croissante des attentats terroristes.
Le Bâtonnier Cyrille DJIKUI (Bénin), Président sortant de la CIB a, quant à lui, alarmé la Conférence, à l'issue de son mandat : comment accroître la visibilité de la CIB et assurer un lendemain à ses résolutions prises en assemblée générale ?
En début d'après-midi, Robert BADINTER, diffusé sur écran géant, a réaffirmé aux congressistes que les droits de l'Homme étaient "le fondement de la légitimité d'un Etat de droit démocratique" et qu'il convenait de "poursuivre les nombreux combats qui font l'honneur d'une société qui se réclame commune".
Le monde académique et les Bâtonniers des nombreuses délégations sont ensuite rentrés dans le vif du sujet en définissant la notion d'Etat de droit. Selon les axiomes de départ, les caractéristiques divergent... De même, les différentes ingénieries constitutionnelles africaines modernes nous ont démontré que la protection des minorités contre l'ivresse du pouvoir de la majorité ne pouvait que dépendre du contexte historique et des spécificités étatiques.
Pendant toute la durée du congrès, les interventions du public étaient nombreuses et constructives, les échanges sincères et la confraternité enrichie.
Deuxième et troisième jours de congrès : élargissement des perspectives
Le premier débat du deuxième jour avait pour objet le rôle du juge dans la garantie de l'Etat de droit. Comment s'assurer que l'agencement entre la hiérarchie des normes et la nécessaire hiérarchie axiologique à laquelle le juge se réfère, notamment pour départager des normes de même niveau hiérarchique comme les droits fondamentaux, ne mène pas à une tyrannie des juges ?
Maître Laurent POULET, avocat au barreau de la Cour de Cassation et du Conseil d'Etat de France, a conclu que seule une indépendance forte des magistrats et leur prudence face à des concepts aux contours flous étaient à même de garantir que la liberté des juges s'exprime uniquement dans l'intérêt d'un meilleur Etat de droit.
Quant à l'indépendance des acteurs de la justice, avocats et magistrats, de vifs témoignages nous ont ensuite émus sur la violence des immixtions du gouvernement dans le fonctionnement du pouvoir judiciaire : refus d'exécuter les décisions de justice, mises à la retraite forcées de magistrats suite aux décisions qu'ils avaient rendues, modification des lois en cours de procès avec application immédiate...
Comme l'a ensuite admis le Bâtonnier Stéphane BOONEN (Bruxelles), l'indépendance de la justice est un défi universel, puisqu'en Belgique aussi, son exercice est soumis à des coupes budgétaires drastiques.
L’après-midi, de nombreux panels ont été organisés sur des sujets tels que : l’implication de l'avocat dans la lutte contre le blanchiment et le terrorisme, le rôle de la femme avocate et des avocats de femmes, le rôle de la société civile et des « lanceurs d'alerte » dans la défense de l'Etat de droit, la contribution de la presse à la conservation de l’Etat de droit...
Lors du dernier jour, Maître Sibylle GIOE, désignée par Monsieur le Bâtonnier François DEMBOUR pour représenter le barreau de Liège, est intervenue dans le panel consacré à la responsabilité sociale des avocats.
Le concours d'art oratoire
[NDLR : La seconde signataire de ce récit monopolise la plume pour les quelques paragraphes suivants]
Vous aurez le plaisir d'apprendre que le barreau de Liège s'est de nouveau illustré au concours d'art oratoire de la CIB, face à un jury composé notamment de Sandrine MESLET, rédactrice de la plume francophone, de Dawala, fondateur du label Wati-B, et de Maître Dominique Attias, vice-bâtonnière du barreau de Paris.
Maître Thomas BOCQUET a remporté la deuxième place du concours, ex aequo avec Maître Vincent DEFRAITEUR, du barreau de Bruxelles.
Il a dû défendre la négative du thème "faut-il éclairer les passés troubles ?", dévoilant un engagement pour les valeurs démocratiques essentielles que sont la liberté et la vie privée...
Parmi les dix finalistes, félicitons aussi la candidate camerounaise, Maître Florence IPANDA, qui a remporté le premier prix du concours d'art oratoire, et Maître Nidal KAMAL, du Barreau du Sénégal, qui a remporté le troisième prix.
L'Assemblée Générale
L'Assemblée Générale a été marquée par les victoires du barreau de Port-au-Prince et de Genève, qui accueilleront le congrès annuel de la CIB respectivement en 2017 et en 2018.
De nombreuses résolutions ont été adoptées, notamment sur l'importance de la participation des jeunes avocats aux congrès de la CIB, sur la peine de mort, sur la situation du barreau du Tchad,...
Le flambeau de la Présidence de la CIB a enfin été remis au Bâtonnier du Cameroun, Maître Jacskon NGNIE KAMGA, dont la motivation, la modernité et la performance organisationnelle ne manqueront pas de relever les défis visés par son prédécesseur.
La soirée de gala et les activités post-congrès
Spectacles, danses pygmées et artistes camerounais de renom agrémentèrent enfin la traditionnelle soirée de gala, présidée par son Excellence Ministérielle Laurent ESSO.
Le lendemain, grâce au dévouement remarquable de Maître Caline KAMYA NKONTCHOU, que nous remercions chaleureusement, nous sommes sortis de l'univers urbain pour rejoindre la nature abondante et sauvage.
Après une balade en pirogue sur le fleuve Nyong, depuis le site touristique d'Ebogo, nous emmenant sous un des arbres les plus vieux du Cameroun (1200 ans), nous avons, le lendemain, visité le sanctuaire des grands singes de Mefou, qui nous a sensibilisés aux dangers du braconnage africain.
Conclusion
Nous sommes donc repartis de Yaoundé nourris de cette énergie si particulière de la CIB qui insuffle aux avocats le sentiment d'être unis et solidaires dans la défense de l'Etat de droit.
Nous ne pouvons que vous encourager à présenter votre candidature au concours d'art oratoire, vous inscrire aux congrès ultérieurs et vous tenir informés des actualités de la CIB.
Si notre délégation était une des moins nombreuse, elle n'a pas trahi la qualité des relations que le barreau de Liège entretient de longue date avec ses homologues internationaux, au sein de la CIB notamment.
De nombreux témoignages d'amitié nous sont parvenus notamment en faveur de Maîtres Mabeth Bertand, André Delvaux, Jean-Pierre Jacques ….
Puissent ces relations entre le barreau de Liège et les autres barreaux du monde être sans cesse renforcées.
Thomas BOCQUET
Sibylle GIOE
Avocats au barreau de Liège
Ajouter un commentaire