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Tournoi Jean-Marie Defourny
Nous sommes dans les années 70. Le premier choc pétrolier a mis fin aux Golden Sixties et a fait comprendre à nos démocraties occidentales que les rêves de plein emploi et de croissance continuelle devaient être rangés au rayon des souvenirs.
Le barreau est à l’image de la société et dès lors, faire une carrière comme avocat en général et au barreau de Liège en particulier, n’est plus assimilable à une belle route bien tracée comme c’était le cas pour la plupart des avocats ayant débuté dans l’immédiat après-guerre.
Au sortir du deuxième conflit mondial, la vie a repris le dessus, les affaires sont là et il n’y avait à l’époque pas de ministre de la justice tentant de rendre exsangue la justice, ce pouvoir si fondamental dans une société démocratique.
La donne a changé et entrer au barreau dans les années 70, c’était être directement confronté à un monde très concurrentiel puisque la part du marché juridique commençait déjà à se restreindre…
Il était donc difficile pour les jeunes avocats de se frayer un chemin à cette époque.
Mais dans tout groupe social, il y a toujours des êtres plus généreux, plus attentifs que les autres à la situation de leurs semblables et c’est vers ces êtres d’exception, ces modèles, que les jeunes se tournent.
Au barreau de Liège, à cette époque, il y a notamment un avocat venu de rien qui, grâce à sa rage de vaincre et son pouvoir de conviction, s’est créé rapidement une place.
Cet avocat, président du Jeune Barreau, va devenir ensuite président du Football Club Barreau de Liège et s’appelle Jean-Marie DEFOURNY.
Il n’est pas seulement le président - coach du FC Barreau de Liège, il est la référence, le pilier, le réceptacle des espoirs mais aussi des doutes des jeunes avocats du barreau de Liège.
C’est sous son impulsion que le FC Barreau de Liège devient ce véritable moteur de l’intégration des jeunes avocats.
Entrer dans l’équipe du FC Barreau, ce n’est pas seulement être prêt à jouer un match de foot tous les samedis après-midi, mais c’est surtout la garantie d’être aidé et conseillé pour s’intégrer dans le barreau.
Jean-Marie DEFOURNY devient pour beaucoup de jeunes avocats n’ayant pas d’attache au Barreau le support nécessaire les sécurisant.
Il devient alors pour certains un guide, pour d’autres un patron supplémentaire et pour d’autre … un père spirituel.
C’est l’avocat qui plaide, qui est au palais et qui dès lors rencontre les plus jeunes du barreau.
Le back droit, le milieu de terrain ou l’attaquant de l’équipe du samedi rencontrent très souvent durant la semaine « Jean-Marie » qui vous montre ce qu’est un avocat, qui vous donne le petit conseil tactique avant d’aller affronter tel ou tel magistrat, qui vous rappelle qu’un avocat peut et doit résister fermement aux demandes excessives du Parquet.
C’est aussi Jean-Marie qui, sans ostentation et avec discrétion, paie le petit café ou la petite bière aux jeunes avocats au mess du palais.
Jean-Marie DEFOURNY, ce n’est pas simplement le président qui, durant les matchs, encourage son équipe, mais c’est aussi celui qui organise les réceptions d’après-match, bien sûr à Kinkempois, son fief, où les jeunes avocats footballeurs et leurs adversaires se retrouvent pour vivre des troisièmes mi-temps toujours très conviviales.
C’est une période bénie pour ceux qui entrent au barreau et au FC Barreau.
Il n’est dès lors pas étonnant qu’à la fin des années 70, l’engouement pour le club, de par l’aura que lui a donné Jean-Marie DEFOURNY, conduit le FC Barreau de Liège à aligner deux équipes en championnat de Belgique.
C’est la période idyllique du FC Barreau et ce n’est pas une figure de style …
Les années passent et Jean-Marie DEFOURNY n’est plus président, mais il est toujours présent et dès lors, les deux équipes du FC Barreau qui en alternance jouent l’une à domicile, l’autre à l’extérieur, se rejoignent le samedi soir après leur match respectif, au Tchantchès, endroit privilégié de Jean-Marie et de son compère et complice, Monsieur le Juge Raymond COUNE.
Ces samedis-là il y toujours une ambiance folle où les joueurs des deux équipes du FC Barreau, très souvent rejoints par leurs épouses et même par leurs jeunes enfants, font la fête en Roture et parfois tard dans la nuit.
Ce sont des soirées de fête, de convivialité (voyez ici quelques photos), où la bière coule à flots, mais aussi où les amitiés se nouent pas dans l’éphémère, mais dans la continuité et pour la vie.
On peut dire qu’à cette époque, la vie des jeunes avocats footballeurs du barreau de Liège est rythmée par leur vie au FC Barreau.
Tous les mardis soirs après les matchs d’entraînements, les jeunes avocats continuent souvent leurs discussions… En ville et pourtant les mercredis matin, ils sont tous fidèles au poste, prêts à prendre pour leurs patrons des jugements par défaut à la 1ère chambre du Tribunal de première Instance.
Cette impulsion donnée à ce groupe par « Jean-Marie » va aussi se traduire par l’envoi, en 1983, d’une équipe au premier "Mundiavocat" à Marrakech.
Le FC Barreau a le soutien des autorités ordinales, du Bâtonnier René THIRY, du Bâtonnier Jacques HENRY et de Jean-Marie DEFOURNY qui sera bâtonnier quelques années plus tard.
En 84, c’est la victoire à Marrakech et le retour à Liège où le Bâtonnier, et les fidèles d’entre les fidèles, sont là pour accueillir l’équipe championne du monde inter-avocats.
La vie au FC Barreau va se poursuivre ensuite avec de nouvelles générations, le FC Barreau remportant quelques victoires en coupe de Belgique, un titre de champion de Belgique, et quelques places de consolation à l’un ou l’autre Mundiavocat.
Lorsque Jean-Marie DEFOURNY devient bâtonnier en 1993, il est le premier bâtonnier en exercice à jouer le traditionnel match de football de la fin de saison.
Quelques-uns de ses successeurs au bâtonnat, aussi membres du FC Barreau, ont par la suite suivi son exemple et participé à cet exercice quelque peu périlleux pour le cœur et les muscles.
Jean-Marie DEFOURNY, devenu président d’honneur du FC Barreau, va rester jusqu’au bout un inconditionnel de celui-ci.
Il est de toutes les fêtes, de toutes les manifestations, il est surtout la démonstration vivante qu’un avocat est avant tout un homme de cœur et de tripes, loin des stéréotypes, des images de ces intellectuels engoncés dans leurs certitudes et dans le mépris de la valeur des petites choses de la vie.
Jean-Marie DEFOURNY était au barreau de Liège comme il l’était sur un terrain de football, c’est-à-dire un être combatif, généreux, se donnant toujours à fond, ne rechignant jamais à la tâche.
Il est parti beaucoup trop vite et le 6 juillet 2015, la vie s’est arrêtée pour les dizaines d’avocats footballeurs qui savent combien son apport fut fondamental dans leur propre parcours humain et professionnel.
Jean-Marie DEFOURNY s’en est allé et il est évident que le FC Barreau de Liège ne pouvait rester sans réaction face à la mort d’un de ses présidents les plus emblématiques.
C’est la raison pour laquelle le FC Barreau de Liège a décidé d’organiser un tournoi international de football les 21 et 22 mai prochain à l’Académie Louis Dreyfus au Sart-Tilman à Liège.
Venez nombreux à cette manifestation.
Vous y verrez des équipes de football de différents barreaux belges et étrangers, mais surtout vous sentirez le long de la ligne de touche la présence de cet homme hors norme, cet avocat avec un grand "A", ce baroudeur de la vraie vie, à qui le rédacteur de la présente doit tant.
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