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François Dembour, interview du vice bâtonnier
Jean-Pierre Jacques (JPJ): Commençons par une courte présentation : d’où venez-vous ? de quelle région ? de quelle famille ?
François Dembour (FD): Je suis issu d’une famille 100% liégeoise : mon père, cadet de 10 enfants (dont 9 garçons !) et ma mère, deuxième de 4 enfants, habitaient respectivement rue Nysten et rue des Anges. Ils se sont donc rencontrés au jardin botanique là où, après guerre, les adolescents du quartier se retrouvaient derrière les grilles et…grillaient des cigarettes.
J’ai vécu toute ma jeunesse dans ce quartier; dans les années 70, ses grandes maisons bourgeoises n’étaient pas encore « saucissonnées » en maisons de rapport : elles débordaient de ribambelles d’enfants qui se retrouvaient « après 4 heures » au milieu des jardins. Nous escaladions sans entrave les murs de clôture.
La cour de récréation -ouverte 24h sur 24… ! - de l’école Sainte Véronique réunissait tous les garçons du quartier et nous improvisions des Standard-Anderlecht quotidiens. A cette époque, le Standard était tout le temps champion et avait terrassé le Real de Madrid (2-3 le 3 décembre 1969) devant 80.000 spectateurs dans son antre de Bernabeu.
J’ai suivi une filière scolaire classique : Sainte Véronique, puis Saint Servais et enfin faculté de droit (candidatures Place du XX Août, licences au Sart Tilman).
JPJ: Pour vous l’enfance, c’est synonyme de…
FD: L’enfance, avec le recul, c’est évidemment l’innocence, l’insouciance, la liberté ! de tout cela, on se rend compte…après.
Lorsque j’étais enfant, j’aspirais à être un adulte…pour pouvoir décider seul, sans devoir me soumettre aux règles, restrictions et « privations » quotidiennes de la vie d’une famille nombreuse (nous sommes 6 frères et sœurs, je suis le 4ème).
Mais les journées étaient agréablement rythmées ; j’étais entouré de multiples amis et d’une grande famille : les vacances et les W.E. prolongés ? le must absolu.
Dans les années 70, nous étions astreints à d’autres horaires scolaires…cours les samedis matins, congés de Toussaint et de Carnaval restreints, etc…
JPJ: Pourquoi avoir choisi le Barreau ? Quelle était votre motivation, en commençant votre carrière, après 15 ans de Barreau et aujourd’hui ?
FD: D’abord, pourquoi le droit ? J’étais « nul » en maths (j’en fais encore des cauchemars aujourd’hui…) et j’ai donc suivi la filière latin-grec. En 5ème année d’humanités, la « poésie », notre prof de latin et de grec (un père jésuite), nous apprenait à scander, ce que je détestais. En rhétorique, notre titulaire de classe nous avait annoncé qu’il allait nous préparer à l’Université…et il l’a fait (notamment en nous apprenant l’esprit de synthèse). J’ai savouré son enseignement, ses raisonnements, ses démonstrations ; comme beaucoup (au moins 10 de notre rhéto A 79), je me suis inscrit à la faculté de droit (certes, je le confesse, peut-être d’abord et toujours pour éviter les maths et les sciences).
En 1ère candidature, j’ai adoré l’enseignement de François PERIN tandis que le droit romain et ses adages m’ont fasciné. Encore aujourd’hui, le dernier manuel de droit romain du Professeur Patrick VASSART est toujours à portée de mains.
A la fin de mes études de droit, le choix du Barreau s’est imposé comme une évidence : j’étais impatient de confronter mes connaissances théoriques aux cas pratiques et, par ailleurs, un certain idéal de la profession m’attirait.
Pourtant déjà, en 1984, l’accès au stage n’était pas aisé et l’un de mes oncles, avocat en fin de carrière, avait tenté de me dissuader de prêter serment. Selon lui, nous étions trop d’avocats (moins de 500…) et le métier n’était pas suffisamment rémunérateur (15.000 FB, soit 375,00 € pour un stagiaire de 1ère année).
Me Raymond VITO (le père de notre confrère Michel VITO) m’a convaincu, sa passion du métier se lisait dans les yeux.
15 ans, puis 30 après, je ne regrette pas cette décision : ma motivation quotidienne reste intacte et, je l’espère, contagieuse.
L’image que je me fais toujours de l’avocat, c’est la force du verbe, de l’argumentation bien charpentée, l’écoute attentive, l’excitation dans la recherche approfondie, la stimulation d’un obstacle, la persévérance face à l’échec, le goût de l’action, le partage des expériences,… et la reconnaissance d’un client (et oui, ça arrive !).
Et je reste optimiste pour l’avenir du Barreau…
JPJ: Le Barreau en 2015 pour vous, c’est Apocalypse Now, Menteur menteur, Toy Story ? 1001 pattes ? Monstres et Cie ? Les Indestructibles ? Rebelles ? ou la Reine des Neiges ?
FD: J’ai certainement le droit de ne pas répondre à une question…Je ne répondrai donc pas à celle-ci !
JPJ: En humour, vous êtes plutôt Florence Foresti ou Gad Elmaleh, Fernand Raynaud ou Stéphane Guillon ? Louis de Funès ou Mister Bean ?
FD: 1) Je choisis Florence Foresti : fraîcheur, pétillance, auto-dérision, impertinence, bref, plutôt talentueuse ; par ailleurs, mes collaboratrices, jeunes mamans, m’en voudraient de ne pas la choisir…
2) Fernand Raynaud : dans les années 60, les humoristes étaient moins nombreux et jusqu’à son décès au début des années 70, nous nous régalions de ses sketches à la télévision, avec ses recettes simples et proches de la base, c’est-à-dire du Français moyen avec lequel, nous Belges, entretenons une relation de amour-haine.
3) Louis de Funès : simplement parce qu’il est inoubliable et associé à des films intemporels et à d’autres acteurs de légende ; » les gendarmes », « sur un arbre perché », « les aventures de Rabbi Jacob » ou encore « l’aile ou la cuisse » (et cette fameuse scène où le critique gastronomique Charles Duchemin souffre d’agueusie) et bien sûr l’éternelle « grande vadrouille ».
JPJ: Vous avez une baguette magique et vous pouvez changer le monde demain, par quoi commencez-vous ?
FD: J’interromps le réchauffement de la planète (et donc les comportements qui le provoquent) et commande le retour des neiges d’antan.
JPJ: Auquel des 7 nains de Blanche-Neige vous sentez-vous le plus proche ?
Choix cornélien… J’ai de la sympathie et de l’affection pour Simplet…pour sa simplicité, mais aussi pour son affection à l’égard de Blanche-Neige : en un mot, il est « craquant ». De caractère, je suis parfois (voire souvent, diront certains) proche de Grincheux ; en fait, j’aime son côté râleur (que je suis) mais surtout son esprit frondeur : n’était-il pas le seul nain à contester les décisions prises par Prof ?
JPJ: « Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir « (Jean de la Fontaine) : cette citation se vérifie-t-elle dans la réalité ?
FD: Je crois en l’indépendance de nos juges ; à quelques exceptions près - et dont je me souviendrai toujours – je n’ai jamais été confronté à des jugements, disons, « surprenants »… Le pouvoir judiciaire est un des 3 pouvoirs évoqués par Voltaire et Montesquieu. Je fréquente régulièrement les juges de Paix de notre arrondissement et j’apprécie les échanges très diversifiés que ces rencontres génèrent : quelquefois, la citation de de la Fontaine se trouve inversée.
Cela dit, cette maxime se vérifie aujourd’hui avant la saisine du juge, au regard des conditions d’accès à la Justice continuellement détériorées : augmentation des droits de greffe, diminution des indemnités BAJ, introduction de la TVA sur les frais et honoraires d’avocats, … Les 2 dernières strophes du poème de Jean de la Fontaine pourraient être rédigées comme suit : « selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de la cour vous seront accessibles ou non ».
JPJ: En cuisine, quel est votre plat préféré ? Êtes-vous du genre « Top Chef » ou plutôt « La cuisine pour les Nuls » ?
FD: Ni « Top Chef », ni « La cuisine pour les Nuls », ni plats préférés… Par contre, quelques lieux et plats privilégiés. J’aime surtout l’endroit où je me trouve et les personnes qui m’entourent (surtout si je les ai choisies…). Vous comprendrez donc que je n’ai pas de plat préféré.
A titre d’exemples, une truite au bleu sur la terrasse du royal Hôtel Bonhomme à Remouchamps, une tomate aux crevettes sur la terrasse de l’union nautique, une fondue au fromage chez Gaby à Champoussin, une choucroute (avec beaucoup de moutarde) sur la route des crêtes dans les Vosges, du gibier un soir d’automne à Zabonprés, un américain au Concordia, une pâte à l’Atelier Pâtes, une pizza napolitaine à Naples, etc…
JPJ: Les vacances idéales selon vous, c’est … ?
FD: Les vacances idéales…la vacance du quotidien, la perte de contrôle, une forme d’insouciance, des retrouvailles familiales et amicales…le tout sans avion ! Mais dans l’immédiat, c’est la route des grandes Alpes (et ses cols mythiques) qui m’attend…
Je vous donne rendez-vous au sommet du Galibier le mercredi 8 juillet à 11 heures 11.
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