Le congrès de la CIB à Dakar

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logo_cibLe 29ème congrès de la Conférence Internationale des Barreaux de tradition juridique commune s’est déroulé début décembre 2014 à Dakar.

Il s’est tenu dans un contexte tout à fait particulier, puisque le sommet de la francophonie venait de s’y achever, et l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest inquiétait encore les voyageurs à destination de la région.

C’est dans ces circonstances que nous avons été accueillis, à l’aéroport de Dakar, par un passage obligatoire devant un thermomètre, ce qui nous a tout de suite rassurés quant à la très bonne gestion de la crise sanitaire par le gouvernement sénégalais.

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L’accueil au congrès de la CIB fut tout aussi impressionnant : c’est au nouveau Centre de Conférences Abdou Diouf, construit pour les besoins du sommet de la francophonie, que la séance inaugurale et la suite des travaux se sont tenus.

Le thème : "Quel droit au service du développement économique de l’Afrique ?"

C’est dans une conscience tout à fait assumée du fait que l’émergence économique de l’Afrique est tributaire du développement juridique du continent que les travaux se sont déroulés.

Ainsi, au cours de la séance inaugurale, nous avons pu entendre Monsieur le Président de la République du Sénégal, Macky Sall, faire part de sa décision d’accorder une enveloppe supplémentaire de 500 000 000 de francs CFA ( soit un peu plus de 762.000 €) à l’ « aide juridictionnelle ». Le Président a également partagé son constat de la faiblesse des textes sénégalais relatifs à la garde à vue et son engagement à ce qu’ils soient modifiés.

Quoi de plus fondamental en effet, dans une société qui aspire à développer son économie à l’aide du droit, que les garanties de l’accès même à la justice et du principe de la liberté ?

C’est donc dans cette perspective que les travaux ont commencé par une plénière ayant pour thème :« Le respect des droits fondamentaux et la sécurité juridique – La lutte contre la corruption ».

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Lors de ce congrès, les participants ont été informés du fait qu’en Algérie, des audiences de nuit, à huis clos, se tiennent dans les affaires éminemment politiques. De même, le gouvernement tente d’asphyxier la presse en refusant de leur accorder les autorisations nécessaires pour la diffusion de publicités.

Ont également été évoquées les difficultés pour obtenir l’aide juridique en Côte d’Ivoire : le processus prend généralement jusqu’à trois mois, ce qui, dans certains cas, vide de toute son effectivité la procédure envisagée.

Finalement, un débat des plus délicats a pris place lors d’un séminaire ayant pour objet l’état des lieux de la situation des barreaux membres de la CIB. En réponse à l’intervention d’une consœur européenne sur la problématique des difficultés et menaces que rencontrent les avocats se chargeant de la défense des personnes accusées d’homosexualité dans les pays où elle est criminalisée, un confrère ivoirien a demandé aux autres barreaux de ne pas imposer leur point de vue par rapport à la pénalisation de l’homosexualité. Il a été très applaudi par beaucoup de confrères africains. Pas tous, heureusement. Un confrère congolais a pris la parole pour repréciser les contours de la question. En effet, ce n’était pas la pénalisation de l’homosexualité en elle-même qui était en cause, mais bien la défense de la défense. La défense des confrères qui, dans l'exercice de leur profession, sont menacés. Confondre l'avocat est son client en considérant qu'il épouse les thèses de son client en le défendant est un vieil amalgame qu'on s'étonne encore de constater de telles enceintes internationales.

Comme quoi, si tous s’accordent pour affirmer que la CIB entraîne un très fort sentiment communautaire, des différences fondamentales subsistent entre barreaux, même de tradition juridique commune. Et la nécessité de rencontres telles que celles prévues au congrès annuel est évidente, puisque c’est de ces rencontres que naissent le dialogue et l’échange sur des questions aussi fondamentales que la liberté de profession de l’avocat.

En marge du congrès se tenait un concours de plaidoiries ouvert aux jeunes avocats des pays membres de la CIB. Les quatre thèmes proposés cette année étaient les suivants :

La justice est-elle digne de foi ?

Le jeûne en vaut-il la chandelle ?

Faut-il répondre pour résister ?

Les plus beaux combats sont-ils perdus d’avance ?

C’est en répondant par la négative à cette dernière question que notre consœur nigérienne, Maître Nafissa Alfidja, a remporté le concours, après avoir enflammé l’assemblée.

Candidats au concours d'éloquence CIB 2014

Ce qu’il faut retenir de ce congrès, ce qui est ressorti de manière forte aussi bien des travaux que du concours de plaidoiries, c’est que rien n’est jamais acquis.

Maître Pierre-Dominique Schupp, Président de la Fédération Suisse des Avocats, a porté à la connaissance de ses confrères, lors de la séance inaugurale, le fait qu’un ministre suisse avait suggéré que la Suisse se retire de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme. Paradoxe s'il en est alors qu’en Afrique, on se bat pour que les droits fondamentaux soient, ne serait-ce qu’inscrits, dans un texte !

Maître Bernard Vatier, Secrétaire Général de la CIB, a donc légitimement pu appeler à une « vigilance permanente des barreaux », en estimant que l’avocat est la sentinelle de la démocratie.

Mais si l’avocat est une telle sentinelle, qui est la sentinelle de l’avocat ? La réponse vous vient naturellement à l’esprit : il s’agit de la Conférence Internationale des Barreaux et plus particulièrement quand est en cause la « défense de la défense ».

Le prochain congrès de la CIB aura lieu à Cotonou, au Bénin. L’opportunité pour un jeune avocat de pouvoir rencontrer de si nombreux confrères issus de barreaux à travers le monde est précieuse. Je la souhaite à tous.

Marie Sterkendries

Marie Sterkendries

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