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A propos de "Indulgences", de Jean-Pierre Bours
Je connais Jean-Pierre Bours depuis plus de vingt ans et, voici dix ans, nous sommes devenus amis : nous déjeunons régulièrement ensemble et parlons de littérature, de philosophie, de femmes … Aussi, lorsqu'il me demanda de mettre par écrit mon avis sur son dernier livre, INDULGENCES, fus-je embarrassé : comment être objectif avec un ami ? Entre la Justice et ma mère, disait Camus, je choisis ma mère. Allais-je agir de même ?
La difficulté ne s'est pas posée, tant son livre m'a procuré de l'agrément. Une épigraphe de Paul Valéry et un chapitre préliminaire signé Méphistophélès donnent le ton. Le thème du livre sera la lutte du Bien et du Mal et l'époque choisie pour l'intrigue celle de Luther, de Lucas Cranach, du docteur Faust, soit le début du 16ème siècle. "Même moi, déclare Méphisto à la fin de l'ouvrage, je ne suis qu'un objet dont se sert ton Dieu. Je suis là pour justifier le libre choix mais tout tend quand même vers le Bien. Je ne suis qu'une partie de cette force qui veut toujours le Mal mais fait toujours le Bien".
L'histoire se déroule parallèlement à deux époques proches : l'année 1500 et les années 1515 et s. Nous suivons successivement Eva, accusée de sorcellerie, qui abandonnera sa fille âgée de quelques mois sur l'autel de l'église de Coswit, et ladite fille, Margarete, quatorze ans plus tard, recueillie et adoptée par les époux Klaus et Lisbeth. Comme suite à une péripétie, Margarete apprendra qu'elle n'est pas la fille de Klaus et Lisbeth et n'aura de cesse de retrouver ses véritables parents. Elle rencontrera sur son chemin le docteur Faust, le peintre Lucas Cranach et Martin Luther. Nous n'en dirons pas plus.
Le livre est d'abord un passionnant roman d'aventure et on peut se borner à le lire comme tel : action à rebondissements, épisodes sanglants émaillant le récit, scènes de viols, de massacres…; l'auteur décrit une épidémie de peste, les ravages de la lèpre, du typhus… Toutefois, une certaine légèreté empêche de qualifier le roman de naturaliste. Peut-être est-ce dû à l'éloignement dans le temps de l'intrigue, peut-être aussi à la beauté des héroïnes : on aime croire que la Beauté protège du Mal.
Comme dit ci-dessus, l'œuvre pose ensuite des questions métaphysiques : pourquoi le Mal si le monde a été conçu par Dieu ? Le Diable existe-t-il ? Le Mal est-il la condition nécessaire de la liberté de l'homme ? Car, dit Méphisto, "si ton Dieu existe et Moi aussi, il faudra bien que tu trouves une place pour le Mal dans ton univers". Les passages où intervient Méphisto, ses discours sont d'ailleurs écrits en italiques. Le lecteur ne saura jamais si le personnage a une existence réelle (dans le livre à tout le moins) ou s'il n'est que le produit de l'imagination d'un personnage, voire de l'auteur lui-même quand il composa le chapitre préliminaire. Sauf que tout est fiction …
Le style est brillant et le vocabulaire riche (cela nous change des romans français contemporains). L'auteur n'hésite pas à employer des mots rares mais justes, dans la ligne de Maurice Genevoix, par exemple. On pense aussi, toute proportion gardée, au Victor Hugo de Notre-Dame de Paris. Un exemple de phrase : "Elle l'écoutait, émerveillée, mais il aimait qu'elle lui répondît, et il savait la faire parler. Alors, avec leurs voix murmurantes, auprès des corps des gisants, ils dressèrent un univers que le savant fit découvrir à la jeune femme, dont la présence en ces lieux lui paraissait un miracle. Chacun était fasciné par l'autre. A la voix grave, vibrant d'élans d'enthousiasme du médecin, répondit la musique mélodieuse, envoûtante, de celle de Margarete". Écriture romantique certes mais bien travaillée. Une anacoluthe : "Peintre officiel de la cour de Frédéric III le Sage, l'aristocratie de la région défilait en son atelier pour s'y faire portraiturer". Un apophtegme : "Comme toute bonne proposition, celle-ci ne satisfaisait personne et fut acceptée par tout le monde".
Il nous revient que l'auteur envisagerait la rédaction d'une suite qui serait centrée sur le sac de Rome par le connétable de Bourbon en 1527. On aimerait que fussent évoquées les retrouvailles de Margarete et du docteur Faust, la carrière et la science de ce dernier, sa convention avec le Diable. On devine que l'auteur a encore beaucoup de choses à nous dire.
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