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L'UWEL au service des entreprises liégeoises
Jean-Pierre Jacques : Comment voyez-vous le développement économique de Liège dans les années à venir ?
Jacques Pélerin: Les analyses réalisées tant au niveau de la Commission européenne que des pays ou régions ( cfr Plan Marshall en Wallonie) mettent en évidence l’importance de l’industrie existante, non seulement pour « passer » à travers la crise économique actuelle, mais également pour construire le futur et assurer notre propre pérennité économico-sociale.
En d’autres termes, pour réindustrialiser, il faut, avant tout, se battre pour empêcher à tout prix la désindustrialisation.
On peut y voir deux raisons essentielles: d’une part, l’importance de bâtir sur l’existant en gardant un tissu « fertile » (écosystème économique) suffisant pour construire son avenir... D’autre part, le fait qu’il faut du temps à une entreprise nouvelle (cfr spin-offs technologiques) pour se développer et atteindre une taille d’une certaine importance.
En fait, il faut davantage de temps pour recréer des emplois que pour en détruire.
« Bâtir sur le tissu industriel existant », c’est avant tout « le transformer » pour le rendre plus compétitif, plus performant, plus créatif.
Nous avons encore en Wallonie de grandes entreprises de nature industrielle, structurantes en termes d’emplois (directs et indirects) , d’innovation,… qui sont toujours bien présentes et qui ont pu « traverser » des crises successives parce qu’elles se sont profondément « transformées » et qu’elles ont innové. Les Prayon, FN Herstal , Cockerill Maintenance & Ingeniérie, Techspace, AGC, d’aujourd’hui ne sont pas ceux d’hier !
Par ailleurs, au fil des dernières années, l’économie wallonne s’est diversifiée, son portefeuille d’entreprises et d’activités s’est consolidé et équilibré. A côté des entreprises traditionnelles, d’autres sociétés, souvent de type PME, sont apparues dans des secteurs nouveaux (biotechnologie, IT, …). EVS, Eurogentec, Mithra, Physiol, les entreprises du Pôle Image de Liège,…en sont des exemples, leaders dans leurs domaines respectifs.
Avec cette « nouvelle » économie, nous ne sommes plus dans une logique stricte de continuité de développement sur base des « racines » de la région. On construit « ailleurs » (dans d’autres domaines) et on innove autrement !
Il faut miser résolument sur les deux voies : « réindustrialisation en continuité » et « réindustrialisation en rupture » ! C’est probablement la façon d’assurer notre développement durable. Notre approche « pragmatique » de l’innovation est un atout considérable.
Le GRE ( Groupement de Redéploiement Économique de la Région Liégeoise) qui réunit les forces vives de Liège, politiques, socio-économiques, scientifiques et culturelles travaille dans ce sens sur base de projets concrets de création de valeurs au niveau local.
JPJ: Quel est pour vous le rôle de l'avocat dans ce développement ?
Jacques Pélerin: Nous vivons dans un monde où le décloisonnement devient la règle : « Open Innovation » , réseaux sociaux, économie créative ( « hubs » créatifs, espaces de coworking,…). Plus que jamais la coopération devient essentielle entre « acteurs » économiques et scientifiques ( cfr collaboration des grandes entreprises, PME, universités au sein des Pôles de Compétitivité wallons), entre métiers différents ( cfr le GIGA, plateforme de développement en biotechnologie à Liège qui regroupe médecins, biochimistes, ingénieurs, …).
Selon moi les avocats et le monde du Droit en général devraient s’inscrire dans cette logique.
Les juristes ont depuis longtemps été les partenaires des entreprises pour des raisons évidentes (contractualisation, défense des intérêts, propriété intellectuelle, …).
Mais le monde change avec une vitesse incroyable en particulier dynamisé par la culture numérique ( essor du « business » sur internet,…). Il se complexifie. Les échanges internationaux ( commerciaux, technologiques,…) s’amplifient . Ces évolutions ouvrent d’énormes possibilités pour les entreprises mais ne sont pas sans danger. Dans un monde qui est loin de se caractériser par des certitudes, l’accompagnement du développement des entreprises par les juristes s’avère de plus en plus important.
L’éthique sera au centre du débat. Je partage entièrement la vision de Philippe De Woot, Membre de l’Académie Royale de Belgique, qu’il exprime dans son livre « Repenser l’entreprise » : « Reconnaître que l’entreprise n’est pas sa propre fin et qu’elle est au service d’un intérêt général qui la dépasse ».
De beaux challenges en perspective !
JPJ: On vient de lancer le chantier de "La cité des métiers". Quel va être le rôle de ce nouveau projet sur Liège ?
Jacques Pélerin: Nous vivons un paradoxe inacceptable dans la région : un taux de chômage élevé et une demande des entreprises non satisfaite en matière d’emplois qualifiés.
Par ailleurs, l’éducation et la formation sont les socles vitaux de notre développement économique donc de notre futur.
On observe, en particulier depuis plusieurs années dans de nombreux pays européens, mais malheureusement aussi en Wallonie, une désaffection pour les études scientifiques et techniques.
La sensibilisation des jeunes aux métiers techniques et scientifiques est donc essentielle. Nous avons démarré en région liégeoise un certain nombre de projets (E=mc2, Technitruck de la Province,…) qui reposent sur un partenariat étroit entre les Pouvoirs Publics, l’Enseignement et les entreprises. La Cité des Métiers à Liège, soutenue par le Ministre de l’Économie Jean-Claude Marcourt, s’inscrit dans cette démarche.
Le projet sera réalisé sur le site du Val Benoît , en cours de réhabilitation.
La Cité des Métiers a pour objectifs de présenter les potentiels de notre tissu économique et scientifique et d’expliquer pourquoi, notamment au travers de l’innovation, ce tissu s’est diversifié et renouvelé, ce qui nous permet dès lors de construire notre futur. Un espace sera consacré à la découverte de l’entreprise, de son fonctionnement et de ses différents métiers. L’information sur les métiers et les filières d’études constitue le cœur du projet. L’accent sera mis également sur l’innovation et l’esprit d’entreprise. La Cité des métiers est ouverte à un large public, des jeunes, enseignants et parents et à toutes les personnes en quête d’un métier.
Jacques Pélerin, ancien Président de l’UWEL.
Membre de l’Académie Royale de Belgique.
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