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Tomorrow's lawyer pour celles et ceux qui n'y étaient pas !
Le carton d’invitation avait retenu mon attention. Un quatuor de jeunes gens propres sur eux. Le seul togé des quatre semblait un peu imbu de lui-même, un rien hautain, conforme somme toute à une certaine représentation iconographique de l’avocat. Des visages anonymes pêchés dans les réserves d’une banque d’images publicitaires. Une image lisse, sans pli, sans défaut.
Tomorrow’s Lawyer. L’avocat de demain. Et un sous-titre qui ne manquait pas d’interpeller : « 2 jours pour réfléchir à l’avenir de la profession d’avocat ». Deux jours. Cela m’avait semblé à la fois peu et beaucoup. Vingt ans que je m’interrogeais sur cette profession et que je ne cessais de continuer à chercher des réponses qui demeuraient en partie irrésolues.
Né avant le 1er janvier 1970, je ne pouvais accéder au prix ristourne d’un tarif ouvertement discriminant que rien ne semblait justifier, pas même la finalité de l’événement. Accaparé par un agenda fort chargé, je me résignai à opter pour la formule de la captation vidéo depuis mon bureau surplombant la piste de l’aéroport de Bierset. Je regrettais de ne pouvoir être physiquement présent au Palais des Congrès pour voir et entendre en chair et en os les participants. Mais, n’étais-je déjà pas en train d’incarner cet avocat de demain, objet de sonde de ce colloque, vaquant à la fois à la rédaction de conclusions tout en suivant d’une oreille discrète mais attentive ses débats ? Mener deux activités à la fois amène bien des avantages et permet de gagner un temps appréciable. C’est là le credo de bien des confrères.
L’avocat opérateur économique ? Certainement. Qui penserait encore à le contester ? L’avocat manager ? Oui, pour la plupart d’entre nous, par la force des choses. L’avocat médiateur ? Assurément pour ceux et celles qui en montrent les prédispositions. L’avocat arbitre ? L’avocat législateur ou, mieux, producteur de droit ? Le second s’est depuis plusieurs décennies substitué au premier. L’avocat agent de joueurs sportifs ou d’artistes ? Il en existe de plus en plus. L’avocat militant ? L’avocat lobbyiste ? Ils sont bel et bien présents, parfois là où on ne les voit pas.
De toutes ces questions, il y en a peu qui apparaissent comme inédites tant il y a bien longtemps qu’elles ont été posées. Au sein de notre barreau, Luc Misson les avait déjà esquissées au travers un livre clairvoyant publié en 1997 : "Quelle Justice voulez-vous ?" Si son ouvrage était avant tout axé sur le barreau belge, il prenait en compte les bouleversements alors récents du barreau français comme point de comparaison mais abordait peu l’inexorable mouvement de globalisation qui s’est depuis mis en branle d’une manière parfois fulgurante dans certains domaines.
Ce que ce colloque à mon sens n’appréhenda pas dans sa totalité, ou ce qu’il faillit d’explorer dans ses recoins, c’est peut-être cette réalité factuelle immédiate qui est la nôtre hic et nunc. Que et qui sera cet avocat de demain à Grâce-Hollogne, Tilff, ou au cœur d’une cité de plus en plus paupérisée, guidée par des politiques publiques interventionnistes qui ont montré depuis longtemps leurs limites ? Demain, nous gérerons encore davantage qu’aujourd’hui des parcelles de vies mises sous guidance, tutelle, surveillance et contingentées par ces nouvelles formes de contrôle étatique qui inévitablement appellent aussi une réflexion philosophique et juridique.
Il semble qu’au deuxième jour du colloque, le public se soit quelque peu raréfié, à en juger le parterre plus parsemé que donnait à voir, lors du changement d’intervenant, l’œil d’une caméra finalement fort statique. Vendredi oblige ou trop-plein de paroles ? Pourtant, les interventions furent de qualité et certaines d’une grande clarté, ainsi celle de Thierry Wickers, représentant du Conseil national des Barreaux français. Celle du Bâtonnier Michel Benichou, vice-président du Conseil des Barreaux européens (CCBE), résonna en âme et en mots avec force.
Paradoxalement, il semble que Tomorrow’s Lawyer ait drainé moins d’avocats et d’avocates pour qui demain sera un enjeu réel que de confrères pour qui il ne l’est déjà plus. Qu’à cela ne tienne, on saluera l’organisation de cet événement qui n’eut fort heureusement pas à pâtir d’avatar. On applaudira sa portée résolument internationale dont le Barreau de Liège peut légitimement s’enorgueillir.
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