Le mot du Bâtonnier

Bâtonnier

 width=J’écoute la radio le 15 décembre.

On parle des actions collectives.

Je sursaute.

Si j’entends bien, pour faciliter l’accès à la justice, il faut confier le droit d’ester en justice à Test-Achats, à la Ligue des Familles, aux Mutualités.

Les mots me manquent.

Un moment d’égarement, de grande solitude m’étreint.

Je veux croire que ces acteurs privilégiés nouveaux de la justice feront appel à des avocats pour les représenter.

J’étais à peine remis de l’information de la veille.

Madame la Ministre de la Justice propose une modification de la procédure d’injonction de payer où le progrès de civilisation est que le recours à l’avocat n’est plus obligatoire.

Et si j’ai bien compris le journaliste, je devrais considérer que c’est une bonne nouvelle.

Donc, dans l’esprit de certains, supprimer le recours à l’avocat, c’est garantir l’accès à la justice.

Bref, on marche la tête à l’envers, et pas sur les mains !

Le vendredi 13 décembre était jour de grève pour le personnel judiciaire.

Après la double grève des avocats du BAJ, des experts judiciaires, des médecins prisons, voilà une quatrième vague d’acteurs de la justice qui manifestent leur mécontentement par une action de grève.

On dirait que par une volonté de record qui m’échappe, cette législature se caractérise par une détermination sans retenue à mécontenter tous les acteurs de justice, et « rien réservé ni excepté », comme on dit dans notre jargon.

On pourrait sur le coup perdre un peu de son moral, TVA comprise, bien entendu.

Nous sommes dans le temps de l’incertitude et celui de la démobilisation où c’est l’état d’esprit qui gouverne les relations entre les acteurs de justice et le monde politique.

Qui détient, en définitive, les clés de l’avenir de l’aide juridique, de l’accès à la justice, et globalement du service public de la justice ?

Ne sommes-nous gouvernés que par des calculettes où la seule fonction active est le « moins » ?

La justice n’est-elle qu’un coût budgétaire en cure d’austérité ?

On touche le fond de l’exaspération et de deux choses l’une, soit on se complait dans la sinistrose, soit on se redresse et on part au combat.

N’est-ce pas le temps, non pas demain mais maintenant, de faire la seule économie salutaire : celle de notre individualisme ?

Nous sommes la veille de l’élection de mai 2014, et dès lors nous sommes audibles.  Mais nous ne serons audibles que si nous prenons conscience du danger qui nous guette, de la mise en danger de notre profession.

Et pour assurer cette défense, il faut faire une seconde économie : celle de nos prébendes.

C’est un idéal de justice dans une société démocratique, dans une société en crise économique, qui doit prévaloir sur toute autre considération.   Cet idéal de justice est fondé sur des principes et des valeurs.

La déontologie n’est pas qu’un slogan publicitaire pour une lessive qui lave plus blanc que blanc, c’est un comportement de tous les jours, une attitude professionnelle entre confrères devant les juges et au profit du justiciable.

C’est du réel, c’est du concret.

Ce « devoir être » et ce « devoir faire » reposent sur des actes au quotidien.

Les justiciables et magistrats sont en attente d’un redressement déontologique du barreau fondé sur le désintéressement.

Le désintéressement, c’est de privilégier, rendre prioritaire,  l’intérêt dont on nous a donné la charge de la défense plutôt que notre intérêt personnel ou corporatiste.

C’est aussi expliquer, reprendre l’explication, chaque jour, de notre raison d’être, de la justification de notre rôle.

Et restons optimistes : depuis que je suis entré au barreau, je n’entends que le vacarme du mot crise, d’une profession en danger de disparition, et pourtant, nos prédécesseurs ont résisté, ont trouvé l’énergie de défendre nos principes et valeurs, certes dans un monde plus solidaire.

Tel est à mon estime l’enjeu en 2014 de notre profession.

Redécouvrir, expliquer, justifier nos valeurs et principes, les faire connaître.

Voilà un bel enjeu collectif, et c’est maintenant, et c’est l’heure !

Madame, Messieurs les Bâtonniers,

Mes chers Confrères,

Je vous souhaite pour l’année nouvelle, mes meilleurs vœux tant sur le plan professionnel que sur le plan personnel, des vœux qui seront assujettis, quant à eux, à un optimisme énergique.

Le Bâtonnier de l’Ordre,

André RENETTE

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