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Antoinette CHAHINE, de la mort à la vie
A l'initiative du Bâtonnier Patrick HENRY, le Barreau de LIEGE a rejoint, en 2008, la Coalition mondiale contre la peine de mort.
La Coalition mondiale, née à Rome le 13 mai 2002, vise à renforcer la dimension internationale du combat contre la peine de mort.
C'est dans ce cadre que s'est tenu, au mois de juin, à MADRID, le 5ème Congrès mondial contre la peine de mort, sous l'égide de l'ECPM[1]. Lors de ces 3 jours de congrès, de nombreuses tables rondes et plusieurs ateliers ont été organisés, de façon à permettre d'informer les participants sur l'état de l'application de la peine de mort dans le monde, l'avancement des divers processus devant mener à des moratoires et, espérons le, un jour, à l'abolition universelle de cette peine cruelle et inhumaine qui relève d'un autre âge.
A ce jour, 93 pays conservent la peine de mort dans leur arsenal judiciaire. 58 pays l'appliquent encore, notamment la Chine, l'Iran, l'Arabie Saoudite, l'Irak et les Etats-Unis.
Si, au fil des ans, le nombre d'Etats abolitionnistes grandit, l'intensité dans la lutte contre la peine de mort ne doit, pour sa part, pas diminuer. Car la tendance, dans nos pays occidentaux et abolitionnistes, à "réclamer" la peine de mort n'est jamais bien loin lorsqu'un crime horrible survient. Songeons ainsi aux vives exhortations d'une partie non négligeable de l'opinion publique à réclamer la réinstauration de la peine capitale au lendemain des affaires DUTROUX, AIT OUD, ou de la tuerie de TERMONDE.
Lors du Congrès de MADRID, il m'a été donné de rencontrer une femme extraordinaire : Antoinette CHAHINE. Après avoir entendu son histoire, il devenait évident, pour moi, qu'Antoinette se devait de venir en BELGIQUE, à Liège, pour partager avec nous son expérience et son combat.
A l'occasion de la journée mondiale contre la peine de mort du 10 octobre, le Barreau de LIEGE a eu l'immense honneur de la recevoir.
Antoinette est libanaise [2]. En 1994, à peine âgée de 23 ans, elle est arrêtée.
Soupçonnée puis accusée, à tort, du meurtre d'un prêtre, elle est emprisonnée et torturée à de nombreuses reprises. Malgré son innocence, elle est condamnée à mort en 1997. Abattue, paralysée à l'annonce du verdict, Antoinette CHAHINE trouve la force, dans sa Foi et grâce au soutien inconditionnel de sa famille, de continuer à espérer.
Sa persévérance, sa Foi en Dieu, le combat de ses proches attirent l'attention. Amnesty International et l'ACAT [3] se mobilisent. Des lettres du monde entier parviennent à Antoinette dans sa cellule de la prison de Baabda, seul rayon de soleil pour cette femme qui ne connaît plus la douceur de la lumière. Un jour raconte-t-elle, il y avait tant et tant de lettres que le facteur a dû louer une camionnette pour les acheminer.
Durant 5 ans, Antoinette a enduré et subi l'innommable.
Le 24 juin 1999, suite à un second procès, Antoinette CHAHINE est définitivement innocentée. Elle recouvre la liberté après 5 ans de détention, de supplices, de suffocation.
Femme libre et innocente, elle réapprend à vivre. Rapidement, elle comprend qu'elle a un devoir, celui de témoigner. Témoigner de l'inhumanité de la peine de mort, de son caractère irréversible. Témoigner qu'il n'y a pas de Justice s'il n'y a pas de respect inconditionnel de la vie.
Dans son témoignage, Antoinette parle aussi du Pardon. Pardon qu'elle a accordé à ses tortionnaires, à celui qui l'a livrée injustement. Un pardon sincère qui lui a permis, après 5 années de calvaire, de revivre, de se reconstruire.
Pour que personne n'oublie, Antoinette a couché des mots sur l'innommable. Son livre "Crime d'innocence" [4], témoigne de son histoire.
Dans la préface de l'ouvrage, Mgr Guy-Paul NOUJAÏM [5], écrit au sujet d'Antoinette:
"Je l'ai entendue parler, dans des rencontres publiques et privées de ce qu'elle avait vécu. Elle n'a jamais édulcoré la force du mensonge et du mal dont faisaient preuve ceux qui lui faisaient endurer de terribles sévices. Mais même quand elle dévoilait ces divers aspects, le ton de sa voix, le choix naturel et judicieux des mots et expressions qu'elle employait, l'allure générale de son discours ne portaient aucune trace de haine vindicative mais un pardon profond et apaisant".
Avec des mots simples, le récit d'Antoinette prend au cœur, suscite une rare compassion et une admiration pour cette Femme qui est passée de la mort à la vie.
[2] Le Liban a réintroduit la peine capitale dans son arsenal juridique en 1994. La dernière exécution, au Liban, remonte à l'année 2004. Néanmoins, des condamnations à mort continuent à être prononcées et, à ce jour, près de 50 personnes se trouvent dans le couloir de la mort au Liban.
[4] Quelques exemplaires de cet ouvrage sont disponibles auprès de Me Berbuto (prix : 15 €).
[5] Évêque titulaire de Césarée de Philippe et évêque Auxiliaire pour le Vicariat maronite de Sarba.
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