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Le mot du Bâtonnier
Madame et Messieurs les Bâtonniers,
Chers Confrères,
La révolution de l’aide juridique semble être en marche. Le temps est au conclave budgétaire, même si certaines rumeurs peuvent laisser accroire que ce conclave est permanent. Pour ce qui concerne les barreaux, c’est avant tout aux règles et moyens de l’aide juridique qu’il convient d’être attentifs.
Depuis près de dix-huit mois, l’OBFG et les bâtonniers sont mobilisés pour défendre les intérêts de ceux de nos confrères qui pratiquent l’aide juridique au jour le jour (ils sont plus de cinq cents au barreau de Liège), mais aussi pour défendre l’aide juridique elle-même, une certaine idée de la justice qui la sous-tend et tous ces citoyens pour lesquels l’accès au droit et à la justice représente un réel défi.
Lors du kern qui s’est tenu ce mardi 12 mars, il a enfin été acquis que la valeur du point pour les prestations de l’année 2011-2012 resterait à 26,91 €.
Ce n’était pas gagné et les bâtonniers se sont battus durant de nombreux mois pour que le gouvernement dégage les neuf millions d’euros nécessaires à maintenir cette valeur du point. Ils seront, semble-t-il, financés par le prélèvement d’un droit complémentaire sur toutes les actions introduites.
Au même moment, le kern a dégagé les grandes lignes de la réforme de l’aide juridique qui sont, semble-t-il et en substance, les suivantes :
- Une nouvelle nomenclature (ce que le kern qualifie de barème). A cet égard, l’OVB a établi un projet qui a été discuté lors d’une assemblée générale spéciale de l’OBFG tenue ce lundi 11 mars. Les deux Ordres communautaires, à travers les bâtonniers francophones notamment, ont dégagé un point de vue commun sur l’essentiel de cette réforme importante et en particulier sur l’établissement d’une nomenclature horaire et non plus d’une nomenclature par point ainsi que sur un tarif horaire de 75 € (qui indemnise aussi, ne l’oublions pas, une part importante des frais). Seule la question de l’aide juridique en droit des étrangers divise les deux Ordres à ce jour et le débat à ce propos doit se poursuivre.
- La suppression des présomptions d’indigence. Il conviendra d’être attentif à la manière de mettre cette approche en vigueur, en particulier pour les plus faibles (les mineurs, et les détenus au moment même de la délivrance du mandat d’arrêt en particulier).
- La modification de l’article 508/8 du code judiciaire relatif aux contrôles, internes d’abord, croisés ensuite.
- Le seuil à partir duquel le prélèvement d’honoraires sur les montants obtenus par l’avocat au profit du justiciable bénéficiant de l’aide juridique sera abaissé.
- Un système de pro bono pourrait être instauré donnant droit par exemple à une bonification fiscale au profit de l’avocat ou du cabinet qui opérerait les interventions gratuitement, à l’instar de ce qui se pratique aux Etats-Unis.
- Il serait fait obligation aux avocats stagiaires de gérer gratuitement cinq dossiers d’aide juridique au cours de leur stage.
- Un système pilote d’abonnement en matière de droit des étrangers serait testé au barreau de Bruxelles français et/ou dans un barreau flamand, afin de déterminer s’il s’agit d’une piste de réforme intéressante et praticable de l’aide juridique.
- Un ticket modérateur sera institué, qui sera évolutif en fonction de l’état de la procédure (simple consultation, introduction d’une procédure, introduction d’un recours, …).
- Un droit de greffe sera instauré, dont il a été question ci-dessus, qui contribuerait au financement de l’aide juridique sans pour autant nécessairement augmenter l’enveloppe globale.
C’est donc une réforme tout à fait fondamentale de l’aide juridique qui se prépare à laquelle les Ordres communautaires sont étroitement associés, de même que les bâtonniers. Le barreau de Liège y est particulièrement présent puisque Maître Philippe Culot, vice-président du bureau d’aide juridique, participe au groupe de travail de l’OBFG qui est appelé à négocier cette réforme au cabinet de la ministre de la justice.
Le débat, la simple discussion même avec la ministre de la justice ont été difficiles voire quasi inexistants dès les premiers jours de ce gouvernement. Gageons qu’à l’avenir, ils s’amélioreront car tel est bien l’intérêt commun : il est impératif de réformer en profondeur l’aide juridique pour mettre fin à l’éternel conflit relatif aux moyens qu’elle requiert et à l’indemnisation des avocats, et cette réforme - la ministre devrait le comprendre - ne se fera ni sans ni contre les barreaux.
C’est ensemble que nous trouverons le juste équilibre que le droit au droit et à la justice garanti par l’article 23 de la Constitution requiert pour assurer son effectivité et sa pérennité.
Ce combat n’est pas terminé et il se poursuivra, soyons-en convaincus, après la fin de mon mandat. Je veux souligner ici l’engagement sans faille de Maître Serge Mascart, son président, et de tout le bureau exécutif du BAJ qui ont nourri ma réflexion et mon action avec leur science et leur expérience, mais aussi avec la sagesse et la modération sans lesquelles aucun compromis n’est possible.
Aussi longtemps que la réforme ne sera pas acquise, dans l’équilibre et le respect de chacun, l’aide juridique, les avocats qui la pratiquent et les justiciables resteront exposés à des aléas inadmissibles dans un Etat de droit moderne.
Nous y resterons attentifs.
Je vous prie de croire, Madame et Messieurs les Bâtonniers, chers Confrères, à l’assurance de mon entier dévouement.
Le Bâtonnier de l’Ordre,
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