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La J.L.M.B. a 125 ans
Ce 11 janvier, notre nouveau palais de justice accueillait en son sein deux événements distincts mais liés entre eux par la personnalité de feu le Bâtonnier Jacques Henry : l’inauguration de la nouvelle bibliothèque Jacques Henry et la commémoration des 125 ans de la J.L.M.B.
L’inauguration de la bibliothèque Jacques Henry
En 2009, Me Stéphane Gothot accède au bâtonnat et Monsieur le premier président de la cour d’appel de Liège Marc Dewart entre en fonction. De leurs contacts avec Monsieur le premier président de la cour du travail de Liège Joël Hubin, naîtra l’idée de la création d’une bibliothèque commune aux différents partenaires judiciaires liégeois. Ce dernier concédera une partie de l’espace attribué à sa juridiction dans la nouvelle annexe dite « sud » du palais de justice.
Le projet prendra corps avec l’installation progressive des juridictions dans le nouveau palais et la mise en œuvre d’une véritable réflexion globale tendant vers une meilleure organisation des services, des achats des ouvrages et une fusion des collections en rationalisant les moyens.
C’est Me Eric Lemmens, bâtonnier actuel, qui suggérera d’appeler cette nouvelle bibliothèque en lui donnant le nom de Jacques Henry, décédé tragiquement dans les circonstances que l’on sait en 1987. Aujourd’hui, elle occupe un plateau de près de 500 mètres carrés tandis qu’une réserve au sous-sol d’une superficie équivalente accueille les collections moins consultées.
Réservant aux nombreux invités présents un accueil chaleureux, le président Hubin conduira sans manière et sans fard la visite de cette bibliothèque flambant neuve. Certes, si elle n’a ni le charme, ni l’âme de la vénérable bibliothèque du barreau dont les murs flanqués d’étagères en chêne et l’odeur de cire perpétuelle conviaient au recueillement, elle n’en demeure pas moins pratique et fonctionnelle, répondant aux exigences de modernité qui faisaient défaut à son ancienne implantation. A terme, elle devrait accueillir autant de magistrats que d’avocats et devenir un lieu de rencontres, de croisements et pourquoi pas d’échanges de réflexions…
Les 125 ans de la J.L.M.B.
Y a t-il moyen de deviner ce que seront les avocats dans les premières décennies du vingt-et-unième siècle s’interrogeait Jaques Henry dans une introduction à l’ouvrage consacré au centenaire de la J.L.M.B. ? A la fois visionnaire et urgent, ce texte esquissait ce que deviendrait la défense de demain en soulignant qu’elle ne serait jamais le monopole de l’avocat mais davantage l’affaire de tous ceux prétendant contrer les affres d’un pouvoir – étatique ou autre – trop envahissant.
Un quart de siècle plus tard, pour son cent-vingt-cinquième anniversaire, la Revue de Jurisprudence de Liège, Mons et Bruxelles, davantage connue son acronyme abrégé J.L.M.B., force ce credo en ouvrant les pages de sa rédaction pour un numéro commémoratif à une série de commentateurs non juristes, qui par leur contribution respective sur de thèmes très variés mais contemporains, apportent un regard différent, voir oblique, sur ce que sont les normes que dévoilent les décisions de justice.
« Il était temps, sans doute, de regarder par-dessus notre épaule. Ces normes que nous dégageons des jugements que nous synthétisons, comment les citoyens les reçoivent-ils ? » questionne Me Patrick Henry dans son éditorial récapitulatif, justifiant la publication de ces contributions exogènes, démontrant « à quel point le droit est au cœur de la société, combien il est consubstantiel à la civilisation. » Ainsi en va t-il des réflexions sur les thèmes éminemment actuels et parfois graves que constituent le port du voile, la circoncision, le harcèlement moral, l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe, les infections nosocomiales… mais aussi des thèmes plus triviaux tels les tags et graffitis, les antennes gsm ou encore le droit à l’humour et à la critique des religions. Des commentaires parfois très poussés (celui de François Schreuer sur le droit d’auteur à l’ère numérique) ou des constats plus légers (Kroll) se confrontent à des analyses en droit rédigées par des juristes avertis.
Cette confrontation de points de vues trans-disciplinaires, ces regards croisés apportent une lecture salvatrice de la jurisprudence qui trop souvent n’est perçue qu’à travers son prisme utilitaire pour les professionnels du droit que nous sommes. Au point parfois de démythifier la décision judiciaire...
Pour l’occasion, nous sommes réunis dans la rotonde du nouveau palais de justice de Liège, une salle qui devrait, dans un avenir proche, faire office de cafétéria commune aux différentes professions qu’il abrite. C’est là tout un symbole. Ce ne sont pas les jeux de lumières led virant du mauve au bleu (allusion aux changements des teintes des couvertures de la J.L.M.B. au gré des décennies ?) qui nous retiennent mais l’émotion qui émane des allocutions prononcées. De la Jurisprudence de la Cour d’appel de Liège austère du dix-neuvième (premier numéro paru en 1888), œuvre de quelques hommes solitaires, à la J.L.M.B. d’aujourd’hui, électronique et bleue azur, que de parcours, de détours, que d’encre coulée, que d’ancres mouillées.
Derrière les chiffres, plusieurs milliers de décisions commentées, des dizaines de rédacteurs et des centaines d’auteurs qui se sont succédés, et malgré le changement de ses éditeurs (Story-Scientia puis Larcier), la revue fut et demeure l’œuvre inspirée et inspirante d’un comité de rédaction riche et fécond. Elle repose sur une équipe éditoriale devenue au fil de temps une affaire familiale, celle de la famille Henry et de Me Mabeth Bertand-Henry qui en fut sa digne cheville ouvrière. C’est aussi à elle et à feu Jacques Henry, son époux, que cet anniversaire est destiné. Car après tout la J.L.M.B. fut le résultat d’un travail acharné et sans répit, le leur.
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