Interview de Monsieur le bâtonnier de division Sébastien OLIVIER

Interview

Oscillant entre interrogations sérieuses et questionnements plus légers, cette interview vise à vous présenter Monsieur le Bâtonnier de Division Sébastien OLIVIER.

EK : Parle-nous un peu de toi.  Quel est ton parcours ? Quand as-tu prêté serment ? 

SO : J’ai 49 ans et 25 ans de barreau. J’ai donc prêté serment en 1997. Après mes études à Liège, dont un DES en droit économique, j’ai effectué mon stage auprès de Maître Nicolas EVRARD, un grand patron auquel je dois beaucoup. 

Je me suis ensuite associé avec Xavier SCHURMANS et puis avec Olivier DEVENTER et Lorraine De KNOOP. Nous avons ensemble fondé le bureau ALTERA, structure de taille moyenne dans laquelle nous pratiquons essentiellement le droit pénal, le droit civil et certains mandats de justice. 

Je suis marié et j’ai un grand fils qui aura vingt ans dans quelques jours. 

EK : Pourquoi as-tu décidé de devenir bâtonnier de division ? 

SO : C’est le bâtonnier Eric LEMMENS qui m’a initié, il y a plus de 10 ans, à la gestion des affaires de l’Ordre, en me demandant de me présenter au conseil de l’Ordre.  J’ai été élu… et mordu ! 

J’ai ensuite intégré diverses commissions et le centre de formation professionnelle, dont j’ai été le directeur. Je me suis présenté à nouveau au conseil de l’Ordre quelques années plus tard à la demande de Madame le bâtonnier Isabelle TASSET. 

J’ai toujours apprécié le travail que nous effectuons au sein de l’Ordre, ainsi que les personnalités de grande qualité que l’on y rencontre.  C’est l’occasion de côtoyer des confrères de tous les horizons, qui nous restent inconnus dans l’exercice au quotidien de notre profession. Tu en es d’ailleurs un bel exemple : je n’aurais peut-être jamais fait ta connaissance si nos chemins ne s’étaient croisés au sein du conseil de l’Ordre. 

Enfin, je suis un « amateur » de déontologie, ou plus exactement des valeurs qu’elle protège. J’aime l’idée qu’elle constitue une éthique au service non seulement des consœurs et confrères, mais également des justiciables et de la justice. 

Tu l’auras compris, l’idée de présenter ma candidature au bâtonnat de la division de Liège m’est finalement venue assez naturellement.
 
EK : As-tu pensé à arrêter le barreau après avoir eu un enfant ? 

SO : Non, mais je n’y ai aucun mérite car mon épouse et moi avons pu bénéficier de l’aide infinie et inconditionnelle des grands-parents. Nous avons eu de la chance (et notre fils aussi !). 

Je suis toujours admiratif des consœurs et confrères qui jonglent entre le palais, le bureau, l’école, le stage de danse et le terrain de foot. Je ne crois pas que j’y serais arrivé sans l’aide et l’indulgence dont j’ai bénéficié de ce point de vue. 

EK : Ayant bien compris qu’on ne peut vivre éternellement d’amour et d’eau fraîche, j’ai personnellement opté pour le risotto et les jeux de mots.  Quels seraient tes choix ? 

SO : Et bien… tes dîners « risotto » doivent être amusants ! 

Pour moi : le jardinage. Il me procure une solitude nécessaire et un exercice indispensable. Il me permet de me ressourcer et de prendre de la distance, même s’il m’arrive fréquemment de tailler un arbuste en réfléchissant à un problème de déontologie que je n’ai pas encore tranché. On a coutume de dire que le problème de l’avocat est qu’il a son bureau dans la tête. Cela ne s’améliore pas en devenant bâtonnier de division…

EK : Dans le précédent numéro de l’Open Barreau, Madame le bâtonnier de division Marie MONTLUC nous a décrit la fonction du bâtonnier de division en la comparant aux fonctions de l’Ordre unifié. J’ai pu constater que vous travaillez main dans la main… 

SO : Oui, Marie et moi sommes essentiellement chargés des questions de déontologie quotidienne qui se posent au sein de nos divisions respectives. Mais nous sommes également associés à quasiment tous les dossiers importants de l’Ordre, de par notre participation au comité de direction et au conseil de l’Ordre. Nous échangeons beaucoup entre nous et avec le Bâtonnier, d’autant que nous travaillons de manière complémentaire et en confiance totale.  Je dois te dire que je me réjouis tous les jours de faire partie de ce trio !

EK : As-tu un plaisir coupable dont tu pourrais nous faire part ? Le droit administratif est déjà pris évidemment ! 

SO : Le droit administratif étant déjà pris, tu me vois bien embêté !… 

En réalité, une seule réponse : le chocolat (noir, bien sûr). Il paraît que c’est une drogue. Je le confirme. 

EK : Quelle est ta vision de l’avenir de la profession d’avocat et de l’Ordre ? Comment y parvenir ? 

SO : Concernant la profession, je vois son avenir au travers d’un avocat tourné vers le client, à plusieurs niveaux. Citons par exemple : 

  • la détermination des attentes du client, obligatoirement au cas par cas et en concertation avec lui ; 
  • la communication (disponibilité, technologie, technique de rédaction des consultations, etc.) ; 
  • les honoraires  (forfaitisation, abonnement, taxation à la valeur, etc.).  Des réflexions importantes ont été menés à ce sujet au sein du Conseil national des barreaux français.  Je pense qu’il serait nécessaire d’ouvrir le débat et de nous en inspirer.

Concernant les ordres, il me parait que la répartition des compétences entre les ordres communautaires qui règlementent la profession et les ordres locaux qui appliquent cette réglementation sur le terrain procède d’un bon équilibre. Certaines adaptations sont sans doute envisageables, voire souhaitables, mais le principe me parait devoir être conservé. 

Je pense cependant que l’avenir des ordres, tant communautaires que locaux, passe sans doute par une participation accrue des consœurs et confrères aux débats sur certaines questions, qu’elles soient de principe ou de portée plus matérielle. Il ne s’agirait pas là d’une démocratie directe, mais d’une démocratie plus participative. J’y vois une manière pour tous les avocats qui le souhaitent de se réapproprier leur profession. Les réflexions n’en seraient que plus riches, et de tels débats ne sont-ils pas incontournables au sein d’une profession autorégulée ?   J’aimerais aussi que nos jeunes consœurs et confrères (dont ceux qui liront cette interview) s’impliquent dans la gouvernance de notre profession et y prennent la place qui est naturellement la leur.  Enfin, l’Ordre doit rester très attentif à sa communication, d’autant que 80 % des activités quotidiennes du bâtonnier et des bâtonniers de division sont malheureusement (mais souvent obligatoirement) invisibles.

Mais je suis optimiste, tant pour la profession que pour l’Ordre. Comment ne pas l’être à une époque où, sans aucun doute, la soif de justice n’a jamais été aussi importante ? 

EK : Pourrais-tu me citer une ou plusieurs anecdotes ou souvenirs professionnels (amusants ou autres) qui t’ont marqué ? 

SO : J’ai plaidé plusieurs dossiers en Cour d’assises et il s’agit pour moi de l’expérience professionnelle la plus marquante. Non pas uniquement en raison des drames de la vie que l’on y côtoie mais en raison de la palette des sentiments successifs qui assaillent tous ceux qui y participent, parties, avocats ou magistrats. J’y ai également rencontré une exceptionnelle confraternité entre des avocats qui se respectent dans le combat judiciaire et donnent le meilleur d’eux-mêmes.
  
Je me remémore plus particulièrement, mais ce n’est pas un bon souvenir, de m’être tenu accroupi de longues minutes auprès d’une cliente qui s’était effondrée après avoir été condamnée à 30 ans de prison. Maître GIOVANNANGELI et moi lui avons tenu la main de longues minutes, chacun d’un côté.
 
J’ai également vécu pas mal d’anecdotes devant le tribunal correctionnel. J’ai par exemple le souvenir d’une prévenue qui paraissait parfaitement saine d’esprit mais qui, à l’évocation de son dossier, se mettait à tourner rapidement et irrésistiblement sur elle-même. La scène était plutôt cocasse ! Heureusement, l’expérience et le tact d’un excellent magistrat ont permis de la « stabiliser » le temps de l’instruction d’audience.

Le bâtonnat nous donne aussi des moments mémorables. Je pense notamment à certains arguments pour le moins originaux que l’un ou l’autre justiciable nous a déjà exposés à l’appui de sa plainte à l’encontre d’un confrère ou de la justice…

EK : Nous sommes plusieurs à constater qu’une large partie de nos plus jeunes confrères quitte rapidement la profession. Comment penses-tu qu’il soit possible d’agir pour conserver les talents ? 

SO : La question de la situation financière est sans aucun doute importante et les grands équilibres à cet égard sont toujours à réinventer. Mais je pense que la qualité de vie, dont la compatibilité de la profession avec la maternité et la paternité, est primordiale. 

Parallèlement, nous savons que la quête de sens et de valeurs est de plus en plus incontournable pour tout professionnel. Les sociologues du travail la décrivent très bien dans l’étude du phénomène de « la grande démission ». Or, peu de professions (peut-être la profession médicale) ont la particularité d’être à ce point au service des valeurs, même si c’est, en ce qui nous concerne, au travers de la défense d’intérêts privés.  Nous n’en sommes sans doute pas suffisamment conscients et peut-être devrons nous débattre davantage et de manière plus concrète de la responsabilité sociétale des avocats et des ordres. 

Mais en tout cas, en ce qui concerne nos jeunes confrères, prenons aussi le temps de les écouter. Je suis persuadé que certaines de leurs préoccupations peuvent être rencontrées de manière simple et rapide si nous le voulons. 

EK : Si tu devais te définir en choisissant un fruit, quel serait-il ?  

Bof… Je n’y ai jamais pensé. Mais je promets de revenir vers toi lorsque ma réflexion sera mûre ! 

 Elisabeth KIEHL

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