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La défense de la langue
« Je dis que la langue est le fondement même de l’existence d’un peuple, parce qu’elle réfléchit la totalité de sa culture en signes, en signifiés, en signifiance » (Gaston Miron).
Au mitan du dimanche matin, par temps clair, me parvient parfois le tintement des cloches de l’église de Tilff. A chaque fois qu’il m’est donné de l’entendre depuis la colline où je me trouve, j’éprouve une sensation de douce félicité. Ce son agit un peu à la façon d’une madeleine de Proust. Il me replonge dans un temps passé qui n’est pas mort mais plutôt enfoui dans les méandres du souvenir d’enfance. Pas que j’aie fréquenté l’église, je proviens d’une famille laïque qui répugnait aux dogmes et aux chimères, de quelque nature qu’ils soient.
Pourtant, bien considérée, l’église au milieu du village offre à mes yeux quelque chose qui tient à la fois à un des fondements de notre culture et à l’histoire qui l’accompagne. Pour rien au monde je ne voudrais qu’y succède une mosquée et souhaiterais encore moins entendre l’appel d’un muezzin à Tilff.
Je suis conscient que cette simple annonce peut me valoir bien des récriminations. La nouvelle dogmatique en cours est à ce point implacable, renforcée par la viralité que répandent les réseaux sociaux omnipotents, qu’elle laisse peu de voix à ceux et celles qui ne veulent pas la suivre. Je ne crois tout simplement pas au moule multiculturaliste dans lequel nous devrions dorénavant évoluer. Je ne vise pas ici la pluralité des cultures au sein d’une société, laquelle est salutaire et bénéfique, je veux parler de ce nouveau discours dominant, à la fois bobo-écolo-droits de l’homme-iste- altermondialiste parmi d’autres des étiquettes dont il joue et se joue.
J’aime passionnément le monde arabe pour y avoir voyagé maintes fois et pour y avoir reçu, bien souvent, un accueil rencontré rarement dans d’autres recoins du monde. Je tiens l’Islam pour une grande religion que je respecte profondément. Mais, elle n’est pas la mienne et ne le sera jamais. Je ne pense pas que ceux qui dénoncent l’islamisation croissante de notre société soient ipso facto des complotistes ou des néo-fascistes. Dans le même ordre d’idée, je n’ai jamais accepté que celles et ceux qui s’opposaient à l’immigration économique soient rangés dans la catégorie peu enviable de « l’extrême droite »
Au début du vingtième siècle, le discours dominant en Belgique était imprégné de la religion chrétienne catholique alors largement répandue. Les dissidences étaient marginales, souvent cachées, voire secrètes. A ce discours s’en est substitué un autre, charriant également dans son sillon une petite mythologie bien huilée de ce qui est dorénavant bon ou mauvais. Une sorte de réplication de la morale – manichéenne, prête à penser – chrétienne. Les conséquences de ce discours sont palpables et immédiatement perceptibles. C’est dorénavant au vocabulaire et aux mots qu’il s’attaque. Le dernier événement de la censure opérée par la société Mattel pour son célèbre jeu Scrabble s’inscrit dans cette lignée absurde et débilitante.
Quand la langue procède par ablation volontaire, elle précipite son appauvrissement et risque sa mise en veilleuse. Aujourd’hui, ce sont aux titres et à certains passages de livres jugés offensants auxquels on s’en prend. Et demain ? Les dictionnaires ? La langue parlée, la langue vernaculaire ?
Par extension, on voit poindre le danger qu’il y aurait à appliquer, à notre profession, de nouvelles règles destinées à « cadrer » ou recadrer » notre langage ou à le remplacer par un langage inclusif ou multiculturel qui serait, chimériquement, plus respectueux de « l’Autre ». Prenons garde aux tentations de sanitariser le langage, de l’aseptiser, et, pour tout dire, de le contrôler.
La parole, c’est à la fois le rempart de notre liberté d’expression et le véhicule de notre indépendance. Vouloir la dompter, c’est ouvrir la voie à une censure qui ne veut pas dire son nom. Que cela soit à travers les petits mots (dé)construits sur une planche de Scrabble ou, peut-être un jour, au sein d’un prétoire.
Eric THERER
Tu oses révéler un sentiment…
Tu oses révéler un sentiment, souvent inconscient, d’une partie de la société.
D’abord, dans le contexte actuel, c’est très courageux.
Mais l’essentiel c’est d’exprimer, après sage réflexion, ce qui s’avère difficile à percevoir.
Toute manipulation, soit-elle inconsciente, doit être dénoncée pour aider les moutons que nous sommes parfois à prendre le temps de se remettre en question.
Et puis, j’aime ta plume!
Merci
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