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Les MGF en Belgique et l'Asbl INTACT
Les MGF constituent une violation des droits humains les plus fondamentaux tels le droit à la vie, à l’intégrité physique et mentale, le droit à la santé ou encore le droit de ne pas être discriminée en raison de son sexe. En particulier, les MGF constituent une forme de persécution spécifique à l’égard des enfants et des femmes. En signant la Convention internationale relative aux droits de l’enfant, la Belgique s’est notamment engagée à prendre toutes les mesures efficaces appropriées en vue d’abolir les pratiques traditionnelles préjudiciables à la santé des enfants. Par ailleurs, la Belgique s’est engagée au sein du Conseil de l’Europe en signant la Convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique du 11 mai 2011. En 2001, la Belgique a introduit dans son code pénal une disposition spécifique (article 409 CP) qui interdit et réprime la pratique des MGF. [1] L’adoption de cette disposition dans notre code pénal constitue une référence normative forte. Les mutilations génitales constituent une forme de maltraitance et doivent être perçues comme telles. Le défi d’aujourd’hui est de permettre qu’à tous les niveaux et compte tenu notamment des spécificités communautaires, les interventions soient coordonnées, cohérentes, efficaces, respectueuses des enfants et de leur intérêt supérieur, des familles, mais aussi de la loi. En ce sens, il faut former, conscientiser et surtout donner le temps aux professionnels de penser l’intégration de la problématique des MGF dans le cadre de leur pratique. Les MGF et la protection internationale de l'asile
Depuis plusieurs années, les instances d’asile accordent une protection aux femmes victimes ou à risque d’excision ou dont l’enfant risque l’excision en cas de retour au pays. La Belgique était pionnière à cet égard depuis quelques années. Depuis 2014, le Conseil du Contentieux des étrangers (CCE) a adopté une position ferme quant à la nécessaire prise en compte des MGF comme une violence spécifique à l’enfant et liée au genre. Qu’il s’agisse de demandeurs d’asile venant de Guinée ou de Djibouti, la crainte objective pour des filles intactes de subir une MGF et le manque de protection effective contre les MGF a été souligné. Depuis lors, le CGRA s’est aligné sur cette jurisprudence. La Convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes, signée par la Belgique en 2011, insiste sur la formation des professionnels et la création de mécanismes adéquats pour mettre en œuvre une coopération effective entre tous les acteurs de prévention et de protection. Par ailleurs, dans sa Communication « Vers l’éradication des mutilations génitales féminines » du 25 novembre 2013, la Commission européenne encourage les États à renforcer la coordination et la coopération entre les différents services concernés. Dans ce contexte, INTACT développe des activités ayant pour objectif de renforcer les mécanismes de prévention et de protection des filles et des femmes victimes ou à risque de MGF. Les MGF et sa répression en droit pénal interne Depuis l’entrée en vigueur de la loi, il y a plus de 13 ans, très peu de plaintes ont été déposées sur base de l’article 409 du CP et aucune n’a donné suite à des poursuites judiciaires. Par ailleurs, le nombre de signalements pour risque d’excision est peu élevé. Une recherche-action soutenue par la Fédération Wallonie-Bruxelles (De Brouwere et al. 2013) montre que seuls 52 cas ont pu être recensés par les associations spécialisées entre le 1er janvier 2009 et le 30 juin 2013. La majorité des signalements se concentrent sur les années 2012 et 2013, années où les formations à destination des professionnels se sont intensifiées. Pourtant, une nouvelle étude du SPF Santé Publique (Dubourg et Richard 2014) a relevé qu’environ 13.112 femmes excisées et plus de 4.084 fillettes à risque de l’être, vivaient sur le territoire belge. Ces chiffres ont plus que doublé depuis 2008. Selon l’étude, près de 6.000 femmes et fillettes résident à Bruxelles. Une difficulté dans la prévention et la protection des victimes des MGF se trouve dans la détection de cette forme de maltraitance, en particulier s’agissant d’un risque de MGF. C’est pourquoi des outils ont été développés pour aider les professionnels à détecter une situation à risque. Le contexte actuel et la réalité de terrain nous montre combien il est essentiel, à l’instar d’autres pays européens comme les Pays-Bas ou la Grande-Bretagne, de mettre en place des lignes directrices qui permettent une meilleure prévention et protection des personnes victimes ou à risque de MGF. Quel soutien l'Asbl INTACT peut-elle apporter aux avocats ? INTACT propose des formations aux avocats en droit de la jeunesse et en droit des étrangers auprès des différents barreaux. L’objectif consiste à informer, sensibiliser les avocats sur les aspects juridiques des MGF et de les aider à défendre au mieux les intérêts d’une femme ou d’une fille excisée ou à risque de l’être. L’asbl INTACT peut envoyer de l’information spécifique (COI, jurisprudence, instruments intéressants, manuel pratique,…) aux avocats dans le cadre d’une demande d’asile d’une femme ou d’une fille victime ou exposée à une MGF. INTACT pourra par ailleurs orienter cette dernière vers un service psycho-médical si rien n’a été mis en place au niveau de l’accueil. Il est important que les avocats puissent aborder les violences fondées sur le genre (violences intrafamiliales, mariages ou grossesses précoces ou forcés, MGF, …) que pourraient avoir vécu une personne qui demande une protection en Belgique dès le début de la procédure. Les avocats en droit de la jeunesse peuvent également avoir un intérêt à contacter l’asbl dans les cas où une mineure est exposée à un risque possible ou réel de MGF (par ex : les parents sont originaires d’une ethnie ou les MGF sont pratiquées, dans le cadre d’un départ à l’étranger avec un parent favorable à ces pratiques…). Dans ce cadre, des mesures peuvent être mises en place au niveau protectionnel ou au niveau civil pour empêcher que l’enfant ne soit victime d’une MGF en Belgique ou à l’étranger. INTACT peut, dans ce cadre également, envoyer aux avocats de l’information sur la pratique des MGF dans le pays d’origine de l’enfant (taux de prévalence en fonction de la région ou de l’ethnie, la loi et la protection possibles des autorités dans le pays de destination…). Ces informations peuvent aider les parties ou le magistrat à évaluer le niveau de danger et en fonction, des mesures adéquates à mettre en place (ex : établir un certificat médical d’intégrité de l’enfant avant et au retour du voyage, prononcer une interdiction de quitter le territoire pour l’enfant, organiser un suivi de la famille auprès d’un SAJ ou un autre service en matière d’aide et de protection de la jeunesse, …etc.) En outre, INTACT développe des liens avec le secteur associatif, avec des juristes et avocats spécialisés sur la problématique ou avec des magistrats du Parquet et du Tribunal de la famille pour avancer sur les questions de protection des femmes/ filles victimes ou à risque de MGF. Les outils utiles en matière d'asile Manuel pratique à l’usage des avocats : « Les mutilations génitales féminines dans le cadre d’une demande d’asile », INTACT - Actualisation 2014. Recommandations d’INTACT : « La protection internationale et les mutilations génitales féminines (MGF), 11 recommandations d’INTACT » - Actualisation juin 2014 : Étude de jurisprudence belge sur les pratiques traditionnelles en Guinée, 2013 Étude de jurisprudence sur les pratiques traditionnelles néfastes liées au genre, 2011 Christine Flamand : « L’unité familiale, un droit du réfugié », RDD n°177, 2014 Mini-dossier de la Revue des Migrations Forcées: « Les MGF et l’asile en Europe », mai 2015 Les outils pour améliorer la prévention et la protection des filles et des femmes au niveau national: Le « KIT de prévention MGF », élaboré dans le cadre des Stratégies concertées. Ce kit contient un ensemble d’outils dont un triptyque comprenant les indicateurs de risque de MGF et un arbre décisionnel en fonction d’une échelle à cinq niveaux. Le « Passeport STOP MGF » en 10 langues (français, néerlandais, anglais, arabe, peul, moré, malinké, afar, somali, swahili) rappelant la loi pénale et les conséquences sur la santé, élaboré en collaboration avec le SPF Santé, le SPF Justice et le SPF Affaires étrangères (sur demande). Actes du colloques : « Prévenir et réprimer une forme de maltraitance issue de la tradition : le cas des mutilations génitales féminines », INTACT, Bruxelles 2014. Allié Maryse, "Les mutilations génitales féminines : de l’incrimination aux poursuites, état des lieux en Belgique et regards européens", asbl Intact, Bruxelles, 2014. Brochure sur le secret professionnel en matière de MGF (à mettre à jour- modification de l’article 458 bis) Charlotte CHEVALIER, chargée de projet à l'Asbl INTACT [1] Art. 409 CP § 1er. Quiconque aura pratiqué, facilité ou favorisé toute forme de mutilation des organes génitaux d'une personne de sexe féminin, avec ou sans consentement de cette dernière, sera puni d'un emprisonnement de trois ans à cinq ans. La tentative sera punie d'un emprisonnement de huit jours à un an. Sera puni de la même peine quiconque aura incité à la pratique de toute forme de mutilation des organes génitaux d'une personne de sexe féminin ou aura, directement ou indirectement, par écrit ou verbalement fait, fait faire, publié, distribué ou diffusé de la publicité en faveur d'une telle pratique.§2. Si la mutilation est pratiquée sur une personne mineure ou dans un but de lucre, la peine sera la réclusion de cinq ans à sept ans. §3. Lorsque la mutilation a causé une maladie paraissant incurable ou une incapacité permanente de travail personnel, la peine sera la réclusion de cinq ans à dix ans. §4. Lorsque la mutilation faite sans intention de donner la mort l'aura pourtant causée, la peine sera la réclusion de dix ans à quinze ans. §5. Si la mutilation visée au § 1er a été pratiquée sur un mineur ou une personne qui, en raison de son état physique ou mental, n'était pas à même de pourvoir à son entretien, par ses père, mère ou autres ascendants, toute autre personne ayant autorité sur le mineur ou l'incapable ou en ayant la garde, ou toute personne qui cohabite occasionnellement ou habituellement avec la victime, le minimum des peines portées aux §§ 1er à 4 sera doublé s'il s'agit d'un emprisonnement, et augmenté de deux ans s'il s'agit de réclusion.
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