Partager sur
Rencontre avec Jean-Marc Rigaux
En octobre 2012, l’Open Bar vous présentait ‘C’était demain’, premier recueil de nouvelles de notre Confrère Jean-Marc Rigaux. Tout au long de ces histoires ayant pour cadre Paris, passé et avenir s’entrecroisaient pour mieux semer les pistes d’identités se cherchant ou se questionnant. Aujourd’hui, son deuxième recueil ‘Nouvelles d’Est’ voit le jour. Il a cette fois pour cadre géographique l’Allemagne. Tout comme le premier, il est publié par Murmure des Soirs, la maison d’édition fondée par notre consœur honoraire, Françoise Salmon. Causette avec Jean-Marc Rigaux autour des livres. Eric Therer : En quoi l’écriture de ce nouveau livre diffère t-elle de votre livre précédent ? Jean-Marc Rigaux : « Tout comme ‘C’était Demain’, ‘Nouvelles d’Est’ est un recueil de nouvelles. Je disposais d’une quarantaine de nouvelles pour mon premier recueil. Avec mon éditrice, on en a extrait une dizaine à l’époque. Pour le second, il y en a neuf au total alors que je ne disposais que d’une douzaine de nouvelles. J’ai le sentiment d’avoir progressé. Mon éditrice m’a dit qu’elle trouvait que mon écriture avait gagné en maturité. L’écriture du premier recueil est comme une première fois. Pour le second, j’étais plus confiant. Les nouvelles de ce second recueil sont écrites dans un genre moins fantastique que dans le premier. » Eric Therer : D’où vous vient cet intérêt soutenu pour l’Allemagne alors que vous êtes davantage connu pour être un amoureux de l’Italie ? Jean-Marc Rigaux : « L’Allemagne est un pays fascinant que j’ai découvert quand j’avais 18 ans à l’occasion d’un voyage avec mon grand-père, à une époque où le mur de Berlin existait toujours. Depuis, j’y suis retourné plusieurs fois, notamment à Dresde. C’est là, à Dresde, que m’est venu l’idée d’écrire une série de nouvelles sur l’Allemagne. L’histoire ‘Le Cerceau de feu’ m’est venue tout de suite à l’esprit. J’avais lu un ouvrage sur le bombardement de Dresde auparavant, mais, en voyant la ville, j’ai éprouvé comme un déclic. On regarde toujours l’Allemagne par rapport à son passé. Ce qui m’intéressait, c’était aussi de la regarder à travers son présent et son avenir et de mélanger ces différentes périodes. Il y a quand même une incursion en Italie dans la nouvelle ‘D’un rien’. Le fait d’envoyer un pasteur protestant en Italie m’amusait. L’Allemagne est coupée en deux d’un point de vue religieux, le nord est essentiellement protestant tandis que le sud est catholique et cela influe sur les mentalités des populations respectives qui sont très différentes. Je me suis rendu dans la plupart des lieux qui sont décrits et j’ai donc tenté de respecter une certaine authenticité. Avant sa publication, j’ai même fait relire le livre par un Allemand pour éviter les bourdes ! » Eric Therer : Quand trouvez-vous le temps d’écrire ? Jean-Marc Rigaux : « Cela ne peut être que le week-end ou durant les vacances. C’est une activité qui demande beaucoup d’énergie et qui requiert une disponibilité d’esprit. Le soir, en semaine, je suis trop fatigué que pour disposer de celle-ci. En soirée il m’arrive tout au plus de retravailler un texte mais pas d’écrire comme tel. Il existe souvent une dichotomie entre le moment de l’imaginaire et le moment où l’on écrit, l’acte d’écriture. J’invente souvent mes histoires quand je conduis ou quand je cours seul. » Eric Therer : Est-il plus excitant de courir ou d’écrire ? Jean-Marc Rigaux : « Il existe des points communs entre ces deux activités qui nécessitent l’une et l’autre une énergie importante. Elles procurent aussi l’une et l’autre pas mal d’émotions même si courir sécrète plus d’endorphines ! Ce n’est pas un hasard si j’ai recommencé à écrire après avoir arrêté la compétition. Il existe aussi des différences. L’aspect compétitif qui prévaut dans la course à pied n’existe pas dans l’écriture laquelle se fonde plutôt sur un travail qualitatif. » Eric Therer : Pourquoi, selon vous, est-ce si important d’écrire ? Jean-Marc Rigaux : « J’ai le cerveau qui est comme une marmite sur le feu. L’écriture me permet de recueillir ce qui déborde. L’écriture est une belle métaphore de l’existence car elle oscille entre moments d’enthousiasme débridés et moments d’abattement déprimants. J’ai commencé à écrire très jeune, comme beaucoup de gens. Mais ces tentatives ont été suivies d’une longue éclipse avant d’y revenir dans les circonstances que je viens d’indiquer. » Eric Therer : Quels sont vos auteurs préférés ? Jean-Marc Rigaux : « Il y a ceux que j’aime depuis toujours. Essentiellement Rimbaud et Marcel Aymé. Et puis, il y a les romanciers que j’ai découverts par après comme Céline et, plus récemment, Houellebecq. Houellebecq regarde la réalité dans les yeux avec un sourire désespéré tandis que chez Aymé, qui est un anarchiste, il y a ce regard sur la réalité avec un sourire en coin. Quant à Rimbaud et Céline, j’apprécie tant leur démarche que leur style mais aussi cette capacité qu’ils ont à susciter l’émotion. » Eric Therer : Pouvez-vous citer un exemple d’avocat écrivain que vous appréciez ? Jean-Marc Rigaux : « Au sein de notre barreau, il y a évidemment René Swennen et Jean-Pierre Bours. Au sein du barreau francophone belge, il y a Alain Berenboom et, à Paris, François Gibault qui est le gardien du temple de Céline. Il a géré son héritage littéraire et s’est mis à écrire des romans par la suite. Je les apprécie tous mais je ne ferai pas d’autre commentaire pour ménager les susceptibilités ! » Eric Therer : Quelles sont pour vous les caractéristiques que doit réunir un bon romancier ? Jean-Marc Rigaux : « Dans une exposition sur la génétique, on avait demandé à un généticien ce qu’étaient les gènes et il avait répondu ‘je ne sais pas’. Je serais tenté de donner la même réponse. C’est de toute façon une opinion très individuelle. J’attache de l’importance au style et à l’imagination. Mais, tout ça ne vaut rien sans un travail acharné. » Eric Therer : Quels sont les rapports que vous entretenez avec votre éditeur ? Jean-Marc Rigaux : « C’est d’abord une rencontre un peu improbable avec une consœur que je n’avais jamais croisée pendant vingt-cinq ans et qui est une personne d’une finesse et d’une intelligence remarquables. Elle a eu beaucoup de courage pour se lancer dans un projet pareil. Elle m’a ouvert les yeux sur des horizons qui m’étaient alors inconnus. J’ignorais tout du métier de l’édition. Elle m’a fait découvrir d’autres auteurs belges, tant par leurs écrits qu’en personne à travers des rencontres enrichissantes. Elle m’a ouvert les yeux sur mes textes. Un bon éditeur à un rôle de psychanalyste. Il doit faire prendre à son patient conscience de ses faiblesses. Françoise m’a beaucoup frappé pour me faire travailler mais, chut, il ne faut pas le dire ! Qui bene amat bene castigat ! »
Nouvelles d’Est. Éditions Murmure des soirs, 2014, 186 p. Prix : 19,00 € Disponible à la Fnac et dans les bonnes librairies Propos recueillis par Eric Therer
Ajouter un commentaire