Le pouvoir des femmes

Editorial

 

Je la craignais et la dénonçais dans mon précédent édito. Elle refait surface avec une acuité cinglante à l'occasion de la sortie du dernier film de Jean Dujardin, "Les infidèles" et plus particulièrement de l'affiche du film. Oui, la censure est de retour. A la demande de l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), les affiches du film ont été retirées. Elles "présentent une image dégradante de la femme". Ces affiches "sont clairement de nature à heurter, à choquer une partie du public, puisqu'elles propagent une image de la femme portant atteinte à sa dignité et à la décence", a affirmé à l'AFP Stéphane Martin, directeur général de l'ARPP. Il paraîtrait que ces affiches seraient jugées sexistes et misogynes. Pardonnez-moi mais cela dépend de quel côté on se place, si j’ose écrire. Parce que l’infidèle en question, menteur, traître à son couple et sa famille, ainsi représenté, c’est bien l’homme et pas la femme. Et il se trouve qu’il existe aussi des femmes infidèles. Il me parait donc qu'on peut considérer que l’affiche donne une image dégradante de la gent masculine, honteusement stigmatisée.

Sans doute cette autorité a-t-elle oubliée que dans les années 80, l'affiche du film "Paradis pour tous", tout aussi sexuellement explicite, n'avait pas fait l'objet de la moindre critique ni censure à sa sortie en 1982. Sans doute a-t-elle omis de prendre en considération que déjà en 1953, un film stigmatisait les femmes infidèles lorsqu'un riche industriel engage quelqu'un pour prendre sa femme en filature, espérant secrètement qu'elle le trompe afin de demander le divorce et d'épouser le mannequin dont il est amoureux. [caption id="attachment_1157" align="alignright" width="240" caption="Affiche du film "Les Infidèles" avec Gina Lollobrigida"] width=[/caption] A propos de femmes, quel est le point commun entre Tawakkol Karman, Ellen Johnson Sirleaf, Leyman Gbowee, Shirin Ebadi et Wangari Maathai ? Elles ont toutes été lauréates du prix Nobel de la paix et on les a déjà malheureusement oubliées. Les trois premières ont été couronnées en octobre 2011, les deux dernières respectivement en 2003 et 2004. Journaliste de 32 ans et mère de famille, Tawakkol Karman est la première femme arabe (elle est Yéménite) à recevoir le Nobel de la paix. Elle a été choisie parce qu'aussi bien avant que pendant le printemps arabe, elle a joué un rôle prépondérant dans la lutte en faveur des femmes, de la démocratie et de la paix au Yémen. Leyman Gbowee a 39 ans et est originaire du Liberia, un  pays ensanglanté par une guerre civile pendant plus de 14 ans. Travailleuse sociale, elle s'est beaucoup occupée des enfants-soldats enrôlés par Charles Taylor, ce fou de guerre actuellement jugée par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone pour crime contre l'humanité et crime de guerre. C'est elle qui a réussi à mobiliser et organiser les femmes de son pays au-delà des lignes de division ethniques et religieuses pour mettre fin à la longue guerre civile et assurer la participation des femmes aux élections. Cette mobilisation avait notamment pris la forme de la grève du sexe. Aujourd'hui, quand on demande à des petites filles libériennes ce qu'elles veulent faire plus tard elle répondent "Présidente de la République": c'est l'effet Ellen Johnson Sirleaf.  Âgée de 72 ans, elle est devenue, il y 6 ans, la première femme à être élue chef d’État en Afrique. Elles ont toutes les trois été choisies "pour leur lutte non violente en faveur de la sécurité des femmes et de leurs droits à participer au processus de paix". Un combat collectif comme celui initié par l'activiste kényane Wangari Maathai, première femme africaine à être lauréate du Prix Nobel en 2004. Décédée le 25 septembre 2011, elle fut à l'origine, en 1977, du Mouvement environnemental et socio-politique The Green Belt Movement. Ce mouvement qui cherche a promouvoir la biodiversité tout en créant des emplois pour les femmes en valorisant leur image dans la société a planté près de 40 millions d'arbres sur le continent africain. Quand je vois les réalisations de ces femmes, leur combat, leur lutte quotidienne pour un meilleur futur, je me dis que, parfois, on fait beaucoup de bruit autour d'une affiche qui ne le mérite vraiment pas.  width= Jean-Pierre JACQUES Rédacteur en chef

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